Un coup de coeur de Mollat
Les quelques cent soixante-dix textes qui composent le recueil Fables fraîches pour lire à jeun sont comme les perles rares d'un collier : chacune a sa propre forme, chacune chatoie à sa propre façon. Mais si les unes frappent par leur ironie, tandis que d'autres s'inscrivent dans un registre plus poétique ou plus émotionnel, ou que d'autres encore déroutent le lecteur par leurs effets de surprise ou leur caractère délicatement scandaleux, ces morceaux de prose sont d'une beauté tout simplement éblouissante. Difficile de ne pas céder à la tentation d'en apprendre par cœur pour les déclamer à haute voix, à l'instar de celui-ci :
« Vers luisants
Je ne m'éclaire qu'avec des vers luisants. J'ai des domestiques spécialisés qui les récoltent à la nuit tombante et en tapissent mes appartements. Lumière douce, légèrement verdâtre, doucement mouvante, où je puis relire en les devinant les livres que j'aime, et serrer dans mes bras cette femme qui ne sera jamais la mienne. »
Ou de celui-là :
« Femmes-fleurs
Femmes-fleurs, toujours prêtes, toujours offertes, suivies d'un boy avec un lit pliant qu'elles font ouvrir au moindre signe. Avec cela terriblement chatouilleuses sur la question du qu'en dira-t-on. Ayant une glande-vapeur qui sécrète un petit nuage dans lequel vous disparaissez tous les deux. Seule la présence du boy à distance respectueuse indique qu'il se passe là quelque chose. Chose divine pour qui l'a goûtée : le ciel a visité la terre. La présence de ces petits nuages un peu partout, sur les plages, dans les églises, à travers la campagne, rend la vie chez eux douce et vaporeuse, pleine de sous-entendus, d'où fusent des rires et des plaintes, parfois un nom. »
A vous de découvrir les autres, à jeun, ou pas...