Un coup de coeur de Mollat
Pas si sûr, car derrière le complet usé du parfait commercial divorcé, la quarantaine, se dissimule le redoutable tueur à gages « Numéro Trois » agissant pour le compte d'une Entreprise aux mystérieux rouages. Après sa dernière « livraison de colis » (entendez : liquidation d'un ennemi), Juanito peut enfin espérer se reposer, si ce n'est qu'il se retrouve chargé d'une mission bien plus délicate par son ex-femme : amener ses deux enfants en vacances. Or, « c'est facile d'être tueur à gages. Ce qui est difficile, c'est d'être père ». Nous voilà embarqués dans une aventure haute en couleurs puisque cet (anti)héros doit faire face à ses responsabilités familiales tout en surveillant une nouvelle cible au beau milieu d'un camping nudiste de luxe. Le double objectif se complique encore quand Juan/Numéro Trois y retrouve son ami d'enfance Tony - devenu borgne et boiteux en voulant le protéger - et son ex-femme accompagnée de son nouveau petit ami qui n'est autre que le prochain client à livrer. Trop de hasards, se méfie notre agent secret qui redoute un piège ! A poil, il doit également résoudre quelques difficultés d'ordre plus « technique » : comment cacher son flingue, et, quand on tombe sous le charme d'une sublime créature, comment dissimuler l'effet de son trouble ? Surtout quand le sadique Numéro Treize de l'Entreprise, bientôt rejoint par l'inspecteur Arregui aux méthodes peu conventionnelles s'invitent dans ce paradis où chacun a de bonnes raisons d'avancer masqué.
C'est donc sous couverture que Juan devra pour la première fois prendre tous les risques, quitte à en dévoiler plus qu'il n'en pouvait, à « se mouiller » pour sauver sa peau et les siens. Il pourra compter sur l'aide d'un vacancier de premier ordre, professeur à la retraite et écrivain sicilien de romans policiers très célèbres : comme le personnage Octavio dans son premier ouvrage Aller simple (qui vient de paraître en collection de poche Babel chez Actes Sud) croisait sur sa route le chanteur de tango Carlos Gardel à la poursuite du massacreur de chansons d'amour Julio Iglesias, Carlos Salem imagine dans ce second roman que Juan bénéficie de la protection d'un « père » aussi spirituel que séducteur impénitent, Andrea Camilleri .
L'auteur s'amuse autant que son lecteur complice de ce jeu de miroirs d'identités doubles (voire triples), Carlos Salem faisant lui-même une apparition dans son propre rôle pour clore ce polar naturiste aussi loufoque que malin, les coups de théâtre incongrus et révélations surréalistes s'enchaînant avec un sens de l'auto-dérision tout à fait ...poilant.