Un coup de coeur de Mollat
A l'hôpital où elle reprend peu à peu conscience, Jenna vogue dans le bleu. Un bleu si doux qu'elle se refuse à en sortir. La réalité a en effet des couleurs bien sombres : sa mère est morte dans l'accident dont Jenna porte abusivement autant que secrètement la responsabilité. Comment vivre, survivre, construire sa vie, en avoir même le simple désir ?
Jenna cherche un point d'ancrage, perdue dans ses repères, dans le monde désormais bien réel et non plus azuré des calmants. Comment retrouver ce paradis artificiel où le monde est plus doux à vivre ? L'armoire à pharmacie va répondre provisoirement à ses attentes jusqu'au jour où Jenna rencontre la trouble Trina, jeune fille de bonne famille.
Joyce Carol Oates fait, comme toujours, résonner l'émotion juste comme il faut mais aussi quand il faut, construisant un roman touchant bien sûr, mais aussi peuplé de ces personnages ambigus, troubles, loin de tout manichéisme.
L'auteur du troublant Sexy et de l'incontournable Nulle et grande gueule ne ménage guère son lecteur. Un endroit où se cacher comporte des scènes violentes, voire crues, notamment sur la fin mais est aussi un roman qui fouille l'âme humaine avec ténacité, jusqu'à ce que le personnage affronter les démons qui l'entravent. L'american way of life est encore une fois montré sous une lumière peu amène : la famille n'est pas le refuge espéré, la jeunesse part à la dérive, les enseignants ne sont pas un repère mais un biker tatoué peut s'avérer moins inquiétant qu'il n'y paraît...
Plus « positive» peut-être que dans ses romans dits « pour adultes », la grande prêtresse de la littérature américaine signe là un roman du meilleur cru, à lire à tout âge à partir de 14 ans.