Chargement...
Chargement...

Hommage à Kazuki Takahashi : le “Roi des jeux”

Une actualité de Libraires BD - Manga
Publié le 22/07/2022
En plus de nous avoir donné d'innombrables heures de jeu et de parties endiablées avec son jeu de cartes incontournable Yu-Gi-Oh!, Kazuki Takahashi 高橋 和希 (1961 - 2022) nous a fait grandir et rêver au rythme des aventures de son personnage Yûgi Mutô, dans la série du même titre Yu-Gi-Oh! (1996) (遊☆戯☆王 : littéralement “Le-Roi-des-jeux”).
Lui-même grand amateur de jeux en tous genre, notamment de Donjon et Dragon, Kazuki Takahashi s’est inspiré de son voyage en Egypte pour écrire et dessiner Yu-Gi-Oh!. Connu à travers le monde entier, son personnage iconique Yûgi Mutô est évidemment reconnaissable à sa coupe de cheveux si extravagante.

Les premiers chapitres du manga ont toujours pris de court les lecteurs ; sombres, violents, psychédéliques, presque borderline. Au début de Yu-Gi-Oh!, un pharaon nommé Yami (“ténèbres”), se réincarne dans le corps d’un jeune lycéen japonais, Yûgi Mutô, lorsque ce dernier résout l’énigme du puzzle millénaire. Encore timide et craintif, le jeune homme se fait maltraiter par les voyous de son lycée et les malfrats de son quartier. Dès lors, le pharaon décide d’agir à chacune de ces rencontres fortuites, prenant possession du corps de Yûgi et proposant un yami no game (un “jeu des ténèbres”) à chaque malfaiteur. Ces jeux consistent la plupart du temps en épreuves cruelles et violentes, ne laissant jamais indemne les participants. Sortant victorieux de chaque partie, le pharaon “roi des jeux” fait subir les pires châtiments psychologiques et / ou physiques grâce aux pouvoirs mystiques du puzzle millénaire, toujours en adéquation avec les méfaits intentés de ses victimes. Véritable juge et bourreau des ténèbres, le pharaon est montré comme un personnage cruel et sans cœur, à la limite du sadisme. C’est à partir du volume 8, que le jeu de cartes Duel Monsters (déjà rencontré dans les volumes 2 et 6 dans des versions plus violentes), devenant un succès mondial dans l’histoire (de même que dans la réalité), devient le principal médium des affrontements. Les duels se livrent d’abord dans des arènes holographiques projetant des images des cartes et des monstres joués, puis, par la suite avec des duels disk, arènes portatives ressemblant à de grands bracelets. De par la magie des autres objets millénaires possédés par les antagonistes, les duels se transforment en tragique mise à mort des joueurs : les dégâts deviennent physiques, et le perdant se retrouve emprisonné dans le royaume des ombres pour l’éternité. Ainsi, force mentale, sang-froid, capacité d’analyse et de réflexion, et bien sûr, la fameuse “foi en l’âme des cartes” sont les seules clés de la victoire. Et fort heureusement le pharaon sera toujours là pour s’en assurer lorsque Yûgi rencontrera des adversaires trop forts pour lui. 

Le héros Yûgi Mutô n'est donc jamais seul. En plus d’être accompagné par ses amis, il est toujours double, habité par l’esprit du pharaon qui a perdu sa mémoire. Tandis que l’âme du pharaon vieille de plus de 3000 ans aide le jeune homme à prendre confiance en lui et lui apprend à faire face dans l’adversité avec courage, le jeune japonais, en retour, lui promet de l’aider à retrouver sa mémoire, quoi qu’il en coûte. C’est ainsi que les deux personnalités, partageant le même corps, partent en quête du passé du pharaon, livrant nombre de parties de Duel Monsters, le jeu étant également une réminiscence des guerres spirituelles et religieuses de l'Égypte antique. Le pharaon est intraitable avec ses ennemis, impitoyable, et n’a aucun remords à les envoyer à l'échafaud (son duel contre Kaiba par exemple) ; c’est sa force, mais aussi sa faiblesse. Et c’est tout en symbiose, que la tendresse et l'émotionnalité de Yûgi, qui sont en apparence sa faiblesse, permettent d’atténuer la colère du pharaon. Ainsi, le duo est complémentaire, “un cœur portant à la fois les ténèbres et la lumière” comme le disent les premières phrases de l’animé. Au fil des chapitres et des duels, les deux personnalités au départ opposées se transforment et apprennent l'une de l’autre, si bien qu’à la fin du manga, et dans la suite (Yu-Gi-Oh Gx), on ne peut simplement plus faire la différence entre les deux. L’esprit shônen est donc bien présent : on voit Yûgi grandir, mûrir, s’endurcir, devenir maître de ses émotions et de son destin ; mais, et c’est cela qui rend Yu-Gi-Oh! unique, on voit également le pharaon s’adoucir, comprendre la force de la compassion et de l’entraide. Ce duo et cette amitié hors du temps sortis de l’imaginaire de Takahashi sont devenus iconiques à travers les années, au même titre que le jeu de cartes qui en a découlé. D’ailleurs, le fait de pouvoir jouer les mêmes cartes que nos personnages favoris avec nos amis rend l’expérience immersive : on se sent tout-puissant lorsque l’on attaque avec son Dragon blanc aux yeux bleus, on jubile lorsque l’on active sa carte piège Force miroir, et l’on exulte lorsque l’on tire la dernière partie d’Exodia l’interdit tel le pharaon en personne. 

Kazuki Takahashi a toujours su nous faire vibrer au rythme d’affrontements épiques, nous transporter dans son imaginaire sans fin, nous faire voyager à travers l’Egypte, le Japon, l’Atlantide. Il nous fait affronter les ennemis les plus exécrables (Marik, Pegasus), il nous fait prendre part aux combats les plus dantesques, et surtout, il nous montre que tant que la partie n’est pas finie, rien n’est perdu ; c’est le goût de l’abnégation, de l’espoir, du courage face aux ténèbres, de la concentration jusqu’à la dernière carte, du sang-froid jusqu’au dernier point de vie, que nous raconte Takahashi dans Yu-Gi-Oh!. Mais par-dessus tout, la valeur cardinale de l'œuvre, celle qui permet de surmonter tous les obstacles, et de percer les ombres les plus profondes, c’est celle de l’amitié ; de la camaraderie ; de l’entraide : celle-là même qui est représentée par le duo iconique. En définitive, chacun à son rôle à jouer, même le plus craintif des adolescents peut apporter quelque chose au plus puissant des souverains d’Egypte ; même la carte la plus faible du paquet peut toujours renverser le cour de la partie : voilà ce que nous a appris Kazuki Takahashi tout au long de son œuvre, et de la plus belle des manières. Yu-Gi-Oh !, encore aujourd’hui, continue de ravir les fans de la première heure, tout en conquérant les publics les plus jeunes, avec divers spin-off animés ou manga Yu-Gi-Oh R (2004), La pyramide de Lumière (2004), Réunis au-delà du temps (2010), The Dark Side of Dimensions (2016) et bien sûr les innombrables suites, Gx, 5d’s, Zexal, Arc-V, Vrains etc. 

Puissions-nous tous connaître l’amitié avec un grand A, tels Yûgi et le pharaon, et continuer à croire en notre destinée, en “l’âme des cartes”, comme l’avait voulu Kazuki Takahashi.

Yu-Gi-Oh !