Urgence !

L'accélération est en effet un phénomène qui ne cesse de s'amplifier. Il se manifeste à plusieurs niveaux : dans les rythmes de vie au quotidien, dans l'augmentation des nouvelles technologies, dans les mutations sociales et culturelles qui caractérisent les sociétés à l'ère de la mondialisation. L'accélération signifie notamment que de plus en plus de changements se produisent dans un temps de plus en plus court. D'où le phénomène concomitant de l'urgence : on doit accomplir un maximum de choses en un minimum de temps. Pour de nombreux individus, les structures sociales du temps se sont resserrées comme un étau, un carcan. L'accélération est un processus d'autant plus difficile à maîtriser qu'il s'emballe tout seul : plus la société s'accélère, plus on crée des moyens technologiques pour gérer cette accélération, qui contribuent à l'accélérer encore plus en retour (qu'on pense à l'emprise croissante que l'Internet à haut débit exerce dans nos vies). La réduction des ressources temporelles des individus est dès lors la conséquence directe de l'accélération des sociétés contemporaines. Le paradoxe qui en découle est que l'accroissement du « temps libre » et des moyens techniques qu'on met en œuvre pour gagner du temps (transports, communications) s'accompagne du sentiment perpétuel de manquer de temps et d'être « débordé ». Si le temps est une ressource, il est une ressource qui semble s'épuiser à mesure qu'elle augmente. Quelles peuvent être les solutions aux problèmes soulevés par l'accélération exponentielle ? La politique a-t-elle la capacité d'infléchir ou de freiner cette évolution ? Ou l'accélération marque-t-elle, au contraire, la "fin de la politique"?


Texte de Christophe Bouton.

Christophe Bouton est professeur de philosophie à l'Université de Bordeaux III. Ses travaux portent en particulier sur les questions du temps et de l'histoire dans la philosophie moderne et contemporaine.