Aborde l'histoire des recherches anatomiques sur les passions et l'expression du visage humain, recherches relancées à la fin du XIXe siècle grâce à l'électrisation médicale localisée. Utilisée dans le domaine de l'anatomie, l'électrisation localisée devint un instrument d'exploration qui permit de réorganiser complètement la connaissance du système des muscles faciaux. ©Electre 2025

Il est ici question de la constitution du tout premier savoir de l'expression. Par son application au domaine de l'anatomie, l'électrisation localisée, qui définit une vivisection sans mutilation, devenait un instrument d'exploration pour une refonte complète de l'anatomie des muscles du visage. Cette anatomie vivante comporte une physiologie permettant d'appréhender les significations de la physionomie en mouvement. C'est que les mécanismes physiologiques sont de plain-pied avec les expressions. Par l'élucidation des corrélations entre muscles expressifs et jeux de physionomie, l'étude des indices est complètement renouvelée. Mais cette première théorie de l'expression définit également une théorie du langage naturel des passions. Entre l'âme et les mouvements de la physionomie, il faut glisser une structure langagière des actions musculaires. A partir du moment où on énonce les règles de la grammaire naturelle des passions, il est possible de poser les préceptes de l'art de les représenter correctement.

D'un point de vue épistémologique, cette étude s'inscrit dans une histoire des ruptures : rupture avec une anatomie et une physiologie qui n'étaient pas différentes de celle de l'époque classique ; rupture avec une perception des mimiques comme langage intentionnel qui restait dans la ligne de Descartes ; rupture avec la pathognomonie sans support organique de Lavater ; rupture, enfin, avec les normes du langage pictural illustrées par les schémas de Le Brun.

Moment essentiel : pour la première fois, dans l'histoire de l'expression, le sens n'apparaît plus à travers la reconnaissance d'une parole silencieuse mais prend corps dans la mimique elle-même. Cette histoire de l'expression offre donc un nouvel éclairage sur l'histoire des rapports entre la connaissance et l'art.