Fruit de plusieurs années d'écriture, le roman inachevé d'une histoire d'amour entre un homme et une femme réunis pour quelques jours dans la ville de Duino, dans la province de Trieste, en Italie. ©Electre 2024

Le Voyage à Duino

Dieux que j'aime sa voix qui me parle de falaises, d'origines et d'oiseaux, où je sens l'abîme devant nous, voix grave, profonde de son propre vertige et qui m'envoûte. Mais je veux qu'il se détourne et me retrouve sur ces chemins que j'aime et dont je n'ai pas peur. Le poème est terrible, seul un jeune mort peut suivre son chemin. « Tu me fais peur, Ormundo... » je murmure ainsi et il se tait, revient. Il apprend à lire le poème et à rester sur la rive des vivants. Le poète seul est nocher, va et vient d'un bord à l'autre, prend et livre les perdus, les morts, les maudits là où leurs pas même disparaissent, là où nul enfant ne peut naître, ni vivre.

Ormundo lit pour moi, commence et continue en pleine lumière, vent, nuit. Parfois le poème est insaisissable, je sais combien de temps est nécessaire pour qu'il se laisse entrevoir seulement. Il est le seul homme qui ait pris cette lecture à plein corps, souffle, voix ; le seul chez qui l'intime fut assez vaste pour y accueillir le poème de Duino et me le lire. Un espace intime que n'épuiserait pas le vol d'un inépuisable oiseau.

Des années plus tôt, Eva et Ormundo se sont perdus de vue sur un quai de gare. Aujourd'hui, il envoie un message à sa compagne de voyage : viendra-t-elle avant que sa mémoire ne s'efface ? Eva ne répond pas mais se met en route sans savoir si elle arrivera à temps. Ormundo sera emmené demain en salle d'opération pour une tumeur cérébrale, elle doit traverser deux océans. Dans les heures et l'espace qui les séparent, ils revivent et se racontent leurs jours de Duino. Ont-ils vécus la même histoire ? Quelle est la réalité vécue, rêvée, de leurs souvenirs, et dans l'oubli qui vient ?

Un roman à lire avec l'imaginaire plus qu'avec la raison.