Album de photographies de G. Manset, chanteur français secret et respecté. L'artiste prend des photos sans travestir la réalité, sans arranger les sujets ou les lumières, car son seul but est d'illustrer l'instant présent, la magie des rencontres, qu'il restitue en chansons dans ses albums. ©Electre 2024

Mansetlandia

En mai 1968 Manset publie l'album studio Animal on est mal, suivi de l'oratorio : La Mort d'Orion. Un parcours musical fort de dix-neuf albums sur plus de trois décennies. Création enrichie de voyages répétés. Asie, Afrique et Amérique latine.

Après Journées ensoleillées, paru en 2006 aux éditions Favre, voici Mansetlandia, un titre similaire à celui du coffret contenant dix-neuf CD. Mansetlandia qui signifie : le « pays de Manset ». Arithmétique de plats et de lieux, paysages et sourires, interactions et superpositions. Travailler sans modèle ni aucune référence, sélectionner pour mettre en forme ces six cents pages.

Pollution infernale dans les artères sans fin d'une ville sans fin. Le paysage a changé de manière insupportable depuis Ochoa, la cité excentrée, oubliée, ses tours et ses coupelles au bord d'une rivière caillouteuse cernée de blocs de roc. Après ? Après c'est l'Inde des vingt coolies au mètre carré, les gesticulations incohérentes, les pauvres grabataires ankylosés qui se poussent l'un l'autre pour écouter ou proposer, vociférer dans un chaos de rickshaws digne des enfers et de camionnettes roussies ou indifféremment d'une couleur crème passée. Les sièges brisés, un cuir au fond duquel il faut chaque fois refaire le similaire chemin improductif qui cette fois-ci, de nuit, laisse exténué. Ombre paisible sur fond de soleil presque couché et ciel tendu de soie rose. Fourmillements inventifs. La courbe de la rivière en contrebas, luisante sous la clarté lunaire, le froid tombé d'un coup vers les six heures du soir suite aux 40° du pic de la journée. Chaque nuit la toux, le rhume. Bengale plus tiède, climat pluvieux plein de toutes les lèpres chevillées les unes aux autres, ventilé et aimable, tressé de ses pluies de mousson. À l'inverse, à Agra, on réalise fouler sans rémission la perpétuelle putréfaction ne s'évacuant pas. Des haltes au pied de cités faites de pigment rougeâtre et des itinéraires sans eau ni ombre au long des kilomètres de citadelles. Il faut admettre être arrivée dans cette coulée de plomb roux et y devoir rester. Épuisé, donc, quand soudain, dans l'action - forteresse de Gwalior gravie en pleine chaleur -, par un mouvement de rétablissement à l'arrière du camion, aidé de la poignée de main de colosse d'un des gosses installés sur le tas de toile de jute, un des boîtiers échappe et glisse de sa courroie, percutant le sol, fendu d'un coup à la hauteur du prisme. Un choc, au propre, au figuré... On s'habitue à ces outils, ils en ont vu, en ont cadré, de ces situations qu'il faut relire en chambre, au retour, pour découvrir l'inébranlable obligation ou conviction de s'y être trouvé, hanté et impatient. Après Jhansi on songerait même à reprendre l'avion, mais le tour est joué, ferré, réduit à se balancer au bout de son fil, en l'occurrence la chambre d'une pénultième incarnation d'hôtel Surya - lumière. Ascension de l'escalier, T.V. à chaque étage.