Un coup de coeur de Guillaume D.
D’un côté, Noam Chomsky, le plus grand linguiste de sa génération. De l’autre, Jean Piaget, expert incontournable de la psychologie du développement.
De leur opposition, à l'occasion d'une rencontre organisée en 1975, à l'abbaye de Royaumont, va naître un débat vif et particulièrement riche, qui féconde encore la recherche actuelle.
L’un propose une « grammaire générative » ; l’autre une « épistémologie génétique ». Toute la différence se trouve dans le suffixe. Et c’est une différence radicale et profonde. Chomsky estime en effet qu’une grammaire innée, inscrite dès la naissance dans notre esprit, permet de « générer » toutes nos activités langagières. Piaget, quant à lui, considère que la logique est « générée » au cours de notre développement, grâce à nos interactions avec l’environnement.
Deux disciplines différentes, qui apportent des explications totalement opposées à une seule et même question : d’où vient la connaissance ? Ou plus exactement : d’où viennent les structures mentales, universelles, qui encadrent notre expérience du monde et orientent nos apprentissages ? Sont-elles ancrées dans notre esprit dès l’origine, comme un programme informatique, qui déterminerait toute notre activité mentale ? ou sont-elles construites, progressivement, en suivant un processus de complexification imposé par le jeu même de nos échanges avec l’environnement.
Le débat, qui se déroule sur quatre jours, mobilise de nombreux chercheurs, issus de disciplines connexes comme la biologie, les neurosciences et la philosophie, et représentées par certains des plus illustres penseurs (Jean-Pierre Changeux, Gregory Bateson, Jerry Fodor, Hilary Putnam, …). Il s’y noue une discussion serrée qui plonge au cœur des présupposés de ces deux grands courants de pensée.
Avec ce livre, Massimo Piatelli-Palmarini ne se contente pas de compiler leurs échanges. Il en éclaire le sens tout du long, en analysant les arguments avancés et en les commentant d'après les principes épistémologiques de Lakatos et de Holton, pour nous donner, en plus du compte rendu de ce débat crucial, une leçon magistrale de philosophie des sciences.