Dans la Belgique rurale des années 1940, Josette est une enfant discrète, les yeux toujours rivés vers le ciel, et qui ne répond jamais lorsque les gens lui parlent. Une pièce de théâtre qui décrit la vie à la campagne et le rejet de la différence. ©Electre 2024

- Maintenant, prie pour ton frère qui est mort !

Joseph est décédé d'un abcès aux dents qui lui est monté au cerveau. Josette avait été envoyée trois jours chez Delphine et Jacques sans explications.

Josette se sent vide. Elle a l'impression de tomber dans un grand tuyau sans fin. Elle se sent comme un petit oiseau avec une aile arrachée. Elle a l'impression d'avoir la tète dans l'eau. A l'intérieur de Josette, le silence s'est installé.

La première à venir rendre visite, c'est Tante Hélène, la soeur d'Eudore, alors qu'elle habite à Bruxelles. Comme dit tout bas Mademoiselle Damiani : « Ce sont ceux qui habitent le plus loin qui arrivent encore les premiers ! »

Tout le village est venu présenter ses condoléances par amitié ou par curiosité malsaine.

Josette n'entend pas tous les « Sincères condoléances, Emma ! » tous les « Courage, Eudore ! », les « C'est vraiment triste, hein », « Ça va ? C'est pas trop dur ? La vie est vraiment injuste ! » Josette n'entend rien de tout ça. Elle fixe les petites perles bleutées de son chapelet.

Tante Hélène vient vers Josette. Elle lui donne une sorte de petit médaillon en argent.

- Quand tu te sens triste, tu le serres dans ta main.

Josette sent que quelque chose est triste, mais elle ne comprend pas. « Joseph est parti au ciel », lui explique son papa.

Josette se demande comment Joseph est parti dans le ciel. Est-ce qu'il a pris l'avion ? Est-ce qu'il est dans une montgolfière ? Dans une catapulte, sur une échelle géante ?

La grande fille discrète sur la photo de classe, celle qui regarde tout le temps par la fenêtre, celle qui ne répond pas quand on l'interpelle, celle qui traverse seule la grand-rue du village, c'est Josette.

Sa maman dit : « Autant parler à une chaise ! »
Sa maîtresse crie : « On ne peut plus rien faire avec elle à part la mettre à la poubelle ! »
Les enfants rient : « Josette la grenouille ! Josette la grosse nouille ! »
Et tous lèvent les yeux au ciel.

Josette est perdue dans les nuages, cachée dans ses dessins, enfouie sous un fouillis de mots jolis qu'elle cueille, recueille, arrange, accole comme pour ne pas les égarer.

Pourtant, il y a de la joie dans son coeur.
Il y a de la musique dans sa tête...

Josette, c'est l'histoire vraie d'une petite fille, un peu différente, née en 1940 à Muno, un petit village gaumais au sud de la Belgique. Après l'arrivée des Allemands et l'exode d'une partie de la population, Muno est libéré par les Américains en 1945. Et la vie reprend son cours, même si rien ne sera plus comme avant.

Oui mais Josette, elle, pour être libérée, sur qui peut-elle compter ? Car même léger, un handicap peut être lourd à porter.

Du silence et de la souffrance, à l'espoir et à la résilience, ce récit nous entraîne avec humour et émotion à la redécouverte de ce qu'était la vie en milieu rural dans les années 40.