Un coup de coeur de Karine G.
Une scène forte ouvre La proie, tout l'art de l'auteur est là : happer son lecteur et ne plus le lâcher, c'est réussi ! On fait connaissance avec le personnage de Daniel Darret. Il est minuit et demi, la canicule bordelaise du mois d'août l'empêchant de dormir, il décide de sortir courir. La place Camille-Pelletan. La flèche Saint-Michel. La place de la basilique. Le parc Colbert. Le nouveau pont Chaban-Delmas. Parvenu au parc des Angéliques, il entend une voix apeurée. Cinq hommes entourent une femme. Elle est en train de se faire agresser. Sans réfléchir, il intervient. Ils ont des armes, un couteau, une batte de base ball. Lui, l'homme mûr, finit par avoir le dessus sur les jeunes assaillants. On découvre que Daniel sait se battre. Ensanglanté, il raccompagne la femme chez elle. Rue Sem. Le Pont de pierre. Il est pressé de s'éclipser. Il ne veut surtout pas se faire remarquer. On pressent qu'il a des choses à cacher...
Pendant ce temps, au Cap, le colonel Mbali Kaleni remet un dossier d'enquête (en jargon du métier, on dit un docket) à la meilleure équipe des Hawks (en français, les Faucons). Le capitaine Benny Griessel et son collègue Vaughn Cupido, du Groupe Criminalité violente de la police sud-africaine, sont chargés d'enquêter sur un homme voyageant à bord du Rovos Rail, le train le plus luxueux du monde. Monté au départ au Cap, absent à l'arrivée en gare de Pretoria. Disparu. Envolé. Son ex-femme donne l'alerte. Dix-sept jours plus tard, on retrouve son corps près de la voie ferrée, le crâne fracassé. Ancien policier, reconverti en consultant en protection personnelle, Johnson Johnson était en mission : une touriste néerlandaise l'avait embauché comme garde du corps tout le temps du trajet. Le docket est mince, très mince. On pressent que les Hawks vont avoir fort à faire pour démêler les fils du mystère...
On suit la progression des deux intrigues en parallèle, qui vont finir par se croiser, dérivant vers les eaux troubles de la corruption qui gangrène jusqu'à la plus haute sphère du pouvoir politique du pays... En refermant le livre, on se dit que Deon Meyer n'a presque rien inventé. Nul doute que l'amour que porte l'écrivain à l'Afrique du Sud est à la mesure de sa lucidité à dénoncer les maux qui la ronge. Chapeau bas.
Le mot de la fin : page 102 que lisons-nous là, qui nous fait rougir de plaisir ? «Lonnie a choisi la cathédrale Saint-André. Bon choix pour quelqu'un qui ne connaît pas la ville. Il y a de meilleurs endroits. La librairie Mollat, par exemple, toujours en pleine activité». Inutile de vous dire que les libraires Mollat ne sont pas peu fiers, grand merci pour ce clin d'oeil !