Un coup de coeur de Jérémy Gadras
« Le tireur, c’est un alter ego, un interprète. Me demander pourquoi je ne tire pas mes propres photos, c’est comme demander à un compositeur pourquoi il ne joue pas lui-même ses œuvres ou reprocher à un dramaturge de ne pas jouer ses pièces. »
Klavdij Sluban
L’art du tirage, « à mains nues », entendre évidemment celui, argentique, où les mains se font les complices d’un processus allant du développement en cuve au tirage papier dans le noir profond d’un laboratoire où seule la fine lueur d’une lumière rouge vient distraire l’obscurité de la pièce close. Un processus non anodin, puisque c’est par lui que l’image escomptée, l’image pensée et passée par l’œil du photographe, viendra « impressionner » un papier photosensible et dévoiler enfin son résultat au regard de tous.
Autour de sept entretiens – avec cinq photographes, un tireur et un collectionneur –, Guillaume Geneste nomme en différents termes, par diverses expériences et au détour de nombreuses conversations, cette relation privilégiée, bienveillante et complexe, entre le photographe et le tireur : entre celui qui a observé, patienté ou s’est pressé à armer son appareil pour extraire « un monde à part du monde », un témoignage par fragments, par prélèvements, et celui, appliqué et impliqué, génie de la chambre noire, chimiste-artiste, qui en donnera sa matérialité, son final, son indice et son archivage.
Agrémenté de réflexions et d’anecdotes sur ce métier qui semble disparaître au profit de l’avènement des tirages numériques systématiques ; de la place du photographe et du tireur dans la fabrique des images contemporaines, mais aussi de l’avenir de ces derniers ; cet ouvrage est bien plus qu’un simple recueil d’entretiens puisqu’il nous révèle tout un regard et un savoir sur un monde professionnel et artistique peu connu et sur cette relation indissociable entre l’artiste photographe et celui qui tire et dévoile la singularité d’un regard.