Un coup de coeur de Jérémy Gadras
Un ouvrage phare dans l’œuvre de Daniel Arasse à travers lequel il nous donne à voir bien plus que de simples images décrites, bien plus que de simples scènes identifiables par un registre de faits et symboles. Dans ce livre, l’historien se fait un naïf volontaire pour mieux percer les « invisibles » de l’œuvre, pour mieux saisir ce que « veut nous faire voir » le peintre, et pour déjouer ou renouveler la perception même du phénomène pictural.
C’est donc de « l’inaperçu » qu’il est question ici, de « détails » que l’on pourrait omettre dans une observation même attentive du tableau. Le détail comme signe révélant l’entier d’un propos : une larme ou une main simplement posée sur une table, une grenouille renversée (détail-particolare), l’action du regard porté sur un détail, ce « moment du tableau », « moment de sa création et moment de sa perception » (détail-dettaglio), mais aussi le détail iconique (qui fait l’image de quelque chose en imitant ce quelque chose…) et le détail pictural (en dehors de la représentation, comme l’indice d’un trait de pinceau, d’une signature, d’un griffure sur la toile ou dans l’huile). En somme, tout ce qui affecte la peinture, des indices comme des « intimités » cachées.
Outre les analyses brillantes, au delà des réflexions sur le processus de création et sur la création elle-même, Daniel Arasse nous porte au plus près du travail de l’artiste et au plus proche des conditions de contemplation d’une œuvre. Par cette si simple interrogation - comment créer, comment regarder ? - Daniel Arasse remet en question tout un diktat propre à l’histoire de l’art et à son écriture : comment doit-on regarder l’œuvre pour mieux en écrire l’histoire ? Inspiré de Barthes (le détail ayant un pouvoir similaire au punctum de la Chambre claire de Barthes) et de Louis Marin, ce texte, dont le plaisir et la jouissance que procure une œuvre dictent les mots de son auteur, est l’une des études majeures de Daniel Arasse.