Un coup de coeur de Amandine
Une enquêtrice.
Une anthropologue judiciaire.
Trois femmes ont décidé de consacrer leur vie (ou une partie) aux victimes de la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995). Senem, l’anthropologue judiciaire, suit les fouilles de charniers qu’on découvre peu à peu suite aux aveux de certains fossoyeurs de l’époque. Elle identifie les corps ou les squelettes retrouvés pour que les familles puissent enfin faire leur deuil.
Darija, quant à elle, enquête auprès des familles de disparus, notamment pour prélever leur ADN afin de les rapprocher de ceux qu’on retrouve dans les charniers.
Taïna Tervonen suit ces femmes pendant 6 ans et réalise même un film de ce travail : Parler avec les morts (2020). Plus qu’une enquête, c’est un vrai travail de mémoire qui est effectué ici. Cette guerre complexe, qui a engendré 110 000 morts et 30 000 disparus, a plongé le pays dans un silence glaçant mais aussi dans un déni, une honte et un sentiment de culpabilité intenses. Le rapport des habitants à la mort n’est plus le même ; de nombreuses familles sont déchirées et toujours dans l’espoir d’enterrer leurs pères, leurs frères ou leurs fils.
La journaliste nous emmène dans un pays ravagé, en colère et en deuil. Elle nous révèle un monde d’après-guerre bouleversant : « Tu as de la chance de vivre dans un pays normal, un pays sans guerre. [...] C’était la première fois que cette pensée m’était ainsi exprimée, l’idée que d’avoir échappé à la guerre est non pas un état normal des choses mais bien un privilège, une chance, comme l’est celle, dans un pays d’après-guerre, de retrouver son proche disparu et de pouvoir l’enterrer. Oui, j’ai de la chance. »
Un ouvrage inoubliable où les familles de victimes ont la parole pour montrer toute la complexité des conflits.