Un coup de coeur de Véronique M.
A côté d’un portrait original dessiné à l’encre, Diglee a rédigé une notice biographique qui les présente, explicite avec passion la place que chacune occupe dans son panthéon et dans ce volume. Cette double entrée en matière ne suscite qu’une brûlante envie : celle de s’adonner à la lecture des deux cents poèmes qui suivent, patiemment exhumés d'œuvres souvent difficilement trouvables, puis de poursuivre l’entretien de ce feu, en se procurant les recueils de ces voix incandescentes.
De cette cosmogonie personnelle née de ses pérégrinations notamment dans les librairies et, Diglee a créé huit constellations : les filles de la lune, les prédatrices, les mélancoliques, les magiciennes, les excentriques, les insoumises, les alchimistes du verbe et les consumées.
A côté des noms les plus connus (Emily Dickinson, Marceline Desbordes-Valmore, Anna Akhmatova, Sylvia Plath, Patti Smith, Marina Tsvetaeva, Andrée Chedid, Laura Kasischke), l’illustratrice nous ouvre les portes vers d’autres étoiles amies, soeurs, maîtresses, chaque voix entrant en résonance avec d’autres. Nous découvrons alors Claude de Burine (c’est un de ses vers “je serai le feu” qui sert de titre), Rosemonde Gérard, Simonne Michel Azais, Valentine Penrose, Irène Hamoir, Meret Oppenheim, Lise Deharme, Marie-Jeanne Dury, Gisèle Prassinos...
Farouchement libres, éprises d’absolu, assumant leurs désirs et leur folie créatrice, elles ont trop aimé, trop souffert, trop vécu. Certaines se sont effacées (Emily Dickinson), d’autres ont été évincées au profit de leurs maris, amants illustres (Jane Catulle-Mendès, Marie de Heredia), ou, pour certaines plumes anglo-saxonnes, n’ont jamais été publiées. Christina Rossetti, Vita Sackville-West,Maya Angelou, Audre Lorde et Nikki Giovanni trouvent alors, pour la première fois, une place grâce à la traduction de Clémentine Beauvais, romancière poétesse.
Chacune incarne à sa façon cette révolte intime contre l’ordre (patriarcal, moral, social, politique). Toutes réunies forment un chœur de résistance et montrent que la poésie n’est ni l’apanage des femmes, des hommes ou des élites, mais un art toujours incendiaire, en cela vivant et essentiel, comme l’a écrit par exemple Ingeborg Bachmann :
“Il vient un grand feu,
il vient un fleuve sur terre.
Nous serons témoins.”