Un dossier sur les contestations contemporaines, qui se singularisent par le fait qu'elles ont tendance à s'accompagner à un moment ou à un autre de violence plus ou moins importante. Les auteurs s'interrogent sur ce que ces phénomènes disent de l'époque ainsi que sur les raisons de ce recours à la violence et à la destruction matérielle. ©Electre 2024

Socio

16-2020

« L'action destructive de l'émeute transforme l'espace urbain. Elle participe ainsi dans une certaine mesure, et dans une dimension souvent éphémère, de la dynamique de construction et de destruction de la ville, en s'attaquant à différents symboles bien sûr, mais aussi en détournant le mobilier urbain, en incitant les commerces à se murer de diverses façons, en bouleversant temporairement l'espace dans ses fonctions. Elle marque la ville, cet espace fait d'usages largement programmés, et joue dans l'appropriation d'un lieu sur lequel on glisse le plus souvent et dans lequel les occasions de transformations sont rares. À sa manière, elle participe d'un nouveau partage du sensible, aussi temporaire et pauvre en offre de construction soit-il. La destruction s'inscrit dans une matérialité avec laquelle elle entre en interaction, elle offre momentanément une prise sur un monde qui échappe. Elle interroge "une passion du réel", un désir d'éprouver la matière dans ses résistances. »
Pauline Hachette et Romain Huët

« Dans une lutte pour la reconnaissance, la violence peut sembler aporétique, dans la mesure où l'attente de reconnaissance construit et légitime l'autre en tant qu'instance de reconnaissance, tandis que la violence vient nier son autonomie et le contraindre. Dans une lutte de reconnaissance, cependant, la violence est un médium permettant la transformation du cadre social et normatif, vecteur du déni de reconnaissance. »
Tristan Stohellou

« Je me suis toujours intéressé aux formes d'incorporation des ordres sociaux et à leur mise en cause, depuis mon travail sur les rapports entre police et société à la fin du XIXe siècle jusqu'à mon enquête plus récente sur la Commune en passant par la réflexion à deux voix sur le possible en sciences sociales. Et à mon sens, on ne peut comprendre ces processus sans intégrer la question des sensibilités : elles sont à la fois le lieu par excellence de la naturalisation et celui de sa fragilité comme de son historicité, parfois cachées. Là se saisit la "vie" de l'histoire. »
Quentin Deluermoz

« Là où bien souvent les gens au bout d'un moment rejoignent leurs places, ce soir à Sarajevo ils sont allés jusqu'au bout, agrandissant au fur et à mesure le tableau pour ne pas laisser le moindre débris en dehors. Un tel achèvement ne s'était jamais produit. Et nous trois, discrètement à l'écart pour leur laisser le champ libre, avons assisté, bouleversés, à la transformation du buffet en manifeste collectif pour une vie après le désastre. »
Pierre Meunier