Un coup de coeur de Isabelle P.
Un coup de cœur car la chercheuse Nastassja Martin s’affirme déjà comme un écrivain à part entière. Les Âmes sauvages part à la rencontre du peuple Gwich'in d’Alaska et de l’impact d’un monde globalisé sur les conditions de vie de cette ethnie, qui vit essentiellement de la chasse. Grâce à la fluidité de son écriture et un art incontestable de la narration, l’ethnologue glisse nos pas dans les siens et la recherche devient alors ce savoureux mélange de curiosité, d’écoute, d’échanges, de silences, de rigueur mais aussi d’impatiences, de distanciation mais aussi de prise de position.
Coup de cœur mais aussi coup de foudre, comme un choc quand Nastassja Martin aborde le contexte de la globalisation et d’un système capitalisme qui redessine sans cesse les frontières. L’ethnologue éclaire l’interdépendance qui lie l’exploitation des ressources de ces sols arctiques à une politique écologique de sanctuarisation de certains territoires, souvent au détriment des populations autochtones. La “wilderness”, ce “sauvage” sublimé par des américains comme Aldo Léopold et très apprécié à notre époque des touristes, ces grandes réserves naturelles deviennent des exemples d’une vision occidentalisée de la nature, toute à la fois admirée et interdite à l’homme, une nature extérieure à lui, fantasmée avec laquelle il coupe toute forme de lien voire de communication. Une magnifique mise en application des théories du grand anthropologue Philippe Descola, qui dirigea la thèse à l’origine de ce livre.
Les Âmes sauvages est un livre qui questionne autant qu’il informe, qui nous fait partir à la découverte d’une autre population mais nous renvoie sans cesse à notre propre société et ses responsabilités.
Bref, c’est un livre qu’on est heureux de vous faire découvrir.