Un coup de coeur de Mollat
L'histoire de sa parution en constitue déjà une curiosité. En effet, écrit entre janvier et octobre 1932 (quelques mois avant sa mort survenue en avril 1933), ce journal ne sera publié que plus de cinquante ans plus tard. C'est la peur des retentissements des différents entre Ferenczi et Freud qui pousse sa veuve à en retarder la publication une première fois. Puis, ce sera la seconde guerre mondiale qui empêchera à nouveau sa sortie. Dans ce document clinique sans précédent, Sándor Ferenczi puise dans son expérience d'analysant et d'analyste pour aborder différents sujets que l'on peut classer en trois points principaux (comme nous le soumet Judith Dupont dans sa préface) : théorique (trauma), technique (l'analyse mutuelle) et personnel (Freud).
Dans cet écrit qui a souvent été qualifié de testamentaire (et pour cause…), Ferenczi aborde l'histoire des cas cliniques sur lesquels il a fondé ses réflexions. La forme fragmentaire se fait le reflet d'une pensée en marche, in progress. Outre la mise en abîme de sa réflexion, on retrouve également les doutes, les questionnements de l'analyste : c'est le portrait en filigrane de Ferenczi qui se dessine.
Les difficultés que la psychanalyse peut rencontrer au quotidien sont ici décrites et développées, associées à des créations théoriques, des moments de souffrance et d'angoisse, d'impuissance aussi, face à l'autre.
Le Journal clinique est un objet étonnant, curieux et extrêmement enrichissant pour tout lecteur s'intéressant à la psychanalyse et à son histoire mais aussi pour tout lecteur voulant suivre le cheminement d'une pensée brillante et novatrice. À la lecture de ce Journal, on comprend toute la modernité de Ferenczi et on prend toute la mesure de sa postérité.