Un coup de coeur de Libraires BD - Manga
Mademoiselle Else est une jeune femme issue de la bourgeoisie Viennoise. Alors en vacances à San Martino de Castrozzo, elle reçoit un télégramme de la part de sa mère lui indiquant que son père est ruiné. Chose commune se dit-elle, sauf que sous trois jours, si la somme de 30 000 florins n’est pas remboursée, son géniteur sera mis derrière les barreaux. Dans son câble la mère indique, que dans son lieu de retraite vacancier, Else peut se mettre en contact avec un certain monsieur Dorsday. Ce dernier aurait les ressources nécessaires pour aider le paternel à rembourser la somme. Else ne souhaitant que le bien être de sa famille, elle s'acquitte de sa tâche mais le vieil homme ne sera pas si facile à convaincre. Le bon monsieur Dorsday est un fieffé filou ne désirant qu’une chose en échange de cet argent : observer le corps de la jeune femme entièrement nue.
Les masques tombent et la détermination de Else est ébranlée. Commence alors pour la jeune Viennoise une introspection se heurtant aux règles de la bien pensance, à l’amour filial, à la morale de cette requête mais également à l’image qu'Else se renverra si elle accède à la requête du vieil homme.
Panorama introspectif saisissant d’une jeune femme Viennoise lors de l’après-guerre, Mademoiselle Else est un bijou de roman graphique comme ont en voit que trop rarement.
Manuele Fior accomplit la mission (une fois de plus), d’accorder douceur, d’une part, dans sa composition et réflexion avec une méthode graphique qui n’a plus rien à prouver, et, d’autre part, gravité et tragédie avec un texte allant au-delà d’une simple histoire d’échange de faveurs allant contre la morale.
La dualité que ressent la protagoniste fait également du récit une œuvre aux relents psychanalytiques forts avec ce combat intérieur menée par Else. Une sorte d’affrontement schizophrénique où les pensées morbides rattrapent très vite les simples questions morales et de bien-être personnel. Avec Mademoiselle Else c’est une véritable culture de l’intime qui est mise en exergue, notre corps nous appartient et ce que nous décidons, ou non, d’en faire également malgré les soi disantes contraintes extérieures et obligations morales.
Manuele Fior signe une fois de plus une magnifique bande dessinée qui, à la suite de son chef d'œuvre (purement subjectif) Hypericon, arrive encore une fois à nous bluffer tant graphiquement avec un style n’appartenant qu’à lui, que scénaristiquement. Fior s’approprie entièrement le roman de Schnitzler et, malgré le travail de l’adaptation, en livre une œuvre personnelle et franche.
L'œuvre de Manuele Fior, plus que de se lire et de se découvrir, se vit. C’est un véritable bouleversement graphique, d’une part, mais également scénaristique qui soulève le cœur le temps d’un récit. De très belle aventure de papier qui ne demande qu’à sortir pour s’ancrer profondément dans votre tête et cœur de lecteur.