Un coup de coeur de Isabelle P.
En 1926, Épaminondas Remoundakis a 12 ans lorsque les premiers signes de la maladie de Hansen, appelée communément la lèpre, apparaissent sur son corps comme elle était apparue un an auparavant chez sa sœur. La vie du jeune Épaminondas, alors baignée par le soleil de la Crète et l'insouciance d'une enfance heureuse, va basculer : son père l'exile une première fois en Grèce afin d'éviter l'internement dans une léproserie. À Athènes, où il trouve refuge auprès de son frère médecin et de sa sœur, il poursuit de brillantes études et se met même à oublier l'inextricable évolution de la maladie. Mais celle-ci le rattrape et, découvert par les autorités, Epaminondas se retrouvera, tout comme sa sœur, enfermé dans la léproserie de l'île de Spinalonga. Là, au-delà des tensions frontalières, il y découvre une humanité souffrante, mourante, écartée et oubliée de tous au nom de la santé publique. C'est cependant au sein de cette communauté que, durant vingt ans, Epaminondas va mener de nombreuses luttes pour l'amélioration des conditions de vie et la dignité de ses compagnons d'infortune, retrouvant finalement ainsi un sens à sa vie. Par la suite, les découvertes scientifiques stoppant la maladie vont certes permettre le retour des anciens malades, mais pas leur réintégration dans une société craintive et refermée sur elle-même.
À travers la terrible réalité de cette léproserie qui fut fermée en 1957 se déroule la confrontation entre la fatalité de cette maladie semblant venue d'un autre âge et le champ des possibles ouvert par les progrès du XXème siècle. Épaminondas ne s'attarde guère sur la souffrance physique ou psychique ; il ne veut pas survivre mais vivre. Si la maladie a été une fatalité, ses actions montrent qu'elles ne sont pas son identité. Ce témoignage magnifique nous questionnait déjà sur le regard que nos sociétés portent sur les malades et les choix politiques pris au nom du bien de tous.
À noter que le récit d'Épaminondas Remoundakis est suivi d'une approche historique très éclairante de l'ethnologue Maurice Born sur la lèpre, sur son traitement et surtout sur sa perception par les sociétés. Par ailleurs, vous pouvez retrouver le témoignage de l’auteur dans le film réalisé par Jean Daniel Pollet en 1973, L'ordre, qui dénonçait le traitement des lépreux à Spinalonga.