Un coup de coeur de Emilie S.
C’est par la fiction (roman, nouvelles ou poésie) que Béata Umubyeyi Mairesse a commencé à se faire connaître et à raconter le Rwanda, la guerre, l’exil. Mais cette-fois, c’est le réel qui est convoqué pour raconter son histoire.
Avril 1994. Rwanda. Ce qui sera jugé par la suite comme un génocide débute. Le massacre des Tutsis par les extrémistes Hutus sera responsable de la mort de 800 000 Rwandais . D’une durée de cent jours, ce fut le génocide le plus rapide de l'histoire et celui de plus grande ampleur quant au nombre de morts par jour. Trois mois pendant lesquels les Tutsis sont pourchassés et massacrés. Personne n’est épargné. Être une femme ou un enfant ne sauve pas la vie. Béata Umubyeyi Mairesse a 15 ans à ce moment-là et vit au Rwanda. Le « Convoi » est un récit poignant. Mais c’est aussi l’histoire de l’audace d’une enfant de 15 ans qui ment pour sauver sa vie et celles de sa mère et sa tante. C’est aussi un hommage au courage et à l’engagement des humanitaires qui ont organisé ces différents convois d’enfants au péril de leur propre vie.
Plus d’une dizaine d’années après les faits, l’autrice entre en contact avec la BBC afin de retrouver une photo sur laquelle elle apparaîtrait avec sa mère lors de leur passage à la frontière. C’est le point de départ d’une enquête longue de 15 ans pour recomposer les événements et retrouver les témoins encore vivants : rescapés, humanitaires ou encore journaliste. Au-delà de l'enquête émouvante, le lecteur suit les questionnements de l'autrice sur sa responsabilité en tant que témoin et son désir de construire une histoire partagée. Le récit offre également une réflexion sur les images d'un conflit souvent rapporté au monde à travers des prismes occidentaux, reléguant les victimes au statut de figurants dans leur propre histoire. C’est donc aussi une lecture de l’Histoire qui cherche à s’affranchir d’une vision occidentalo-centrée et qui donne à lire une magnifique histoire de réappropriation : la « grande » et la « petite » Histoire.