Un coup de coeur de Véronique M.
Trois générations plus tard, alors qu’Alice est devenue mère de Nour, et que Nour a donné naissance à Clara, ces deux dernières tentent de fuir un nouveau danger. À leurs côtés, dans une maison abandonnée assaillie par des barbares, Léo et son père Marceau sont les autres survivants de ce “monde finissant qui n’en finissait plus” et qui fait craindre une autre apocalypse.
Certes, Hervé Le Corre nous promet des lendemains peu enchanteurs à l’image de cette nuit totale, mais la ténacité d’une poignée de personnages, notamment la lignée de femmes, ces mères et leurs filles un peu magiciennes et résolument combatives font renaître l'espoir, aussi infime soit-il. Malgré la terreur et l’épuisement qui gagnent ces “effarés”, ils ne cessent de croire à l’existence d’un refuge à l’abri du Domaine, loin des hordes de prédateurs, des Vigilants et de leurs cheffes de camps.
Leurs luttes font alors penser à d’autres guerres décrites par la plume toujours magnifique et intransigeante de l’écrivain (“Après la guerre”, “Dans l’ombre du brasier”) qui convoque également d’autres livres magistraux, reliques de l’ancien temps, tel le mythique “Sur la route” de Cormac McCarthy. Si le passé est mort pour toujours, le présent invivable et le futur plus qu’incertain, leur seul espoir est de rejoindre le nord et, sur la rive droite du fleuve, une communauté, “havre sûr et tranquille régi par la justice et l’égalité. Ils seraient cinq cents là-bas, à vivre en bonne entente.”Ils appellent ça la démocratie. Ils n’ont pas peur des mots”. Ironie ou nouvelle utopie ?
Telle une adresse à ses “frères humains” et aux enfants des siècles à venir, “cette part de nous qui après nous vivrez”, ce roman vous happe dans sa noirceur sans fin tout en rêvant d’un autre monde à reconstruire, enfin.