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Un coup de coeur de Matis D.
Recueil de chroniques littéraires d'une exhaustivité rare autour de la figure du fantôme. Passionnant, touchant, drôle, un incontournable pour tous les amoureux de la lecture.
On ne fait pas plus présent qu'un mort. Qu'ils soient cachés sous un drap, sur grand écran ou couchés sur papier, revenants, spectres et apparitions hantent la culture. Omniprésente, la figure du fantôme a autant de variations qu'il y a de manière de la penser, et si elle peut être tantôt effrayante, tantôt mélancolique, elle reste toujours fascinante.
Et si le rapport à la mort (et surtout à ce qu'il y a après) s'exprime dans toutes les langues, celle que prend Daniel Sangsue est d'une malice charmante. Professeur suisse spécialisé dans la littérature du XIXème siècle à l'université de Neuchâtel, l'auteur se qualifie lui-même d'amateur de fantômes et collectionne les légendes locales, les témoignages d'apparitions et les coups du sort, un peu trop parfaits pour être de simples coïncidences. Dans Les fantômes comme les chats choisissent leurs maîtres, deuxième livre faisant suite à son premier Journal d'un amateur de fantômes, déjà édité à l'époque chez La Baconnière, il nous est donc donné l'accès au carnet de ce spécialiste en pneumatologie. Écrites au jour le jour, la variété de ces chroniques impressionne : d'histoires étranges collectées aux détours de conversations, aux analyses et citations littéraires et cinématographiques, chez Daniel Sangsue, le fantôme prend bien des formes, mais il se lit mieux qu'il ne se voit. Presque plus proche du recueil de critiques thématiques que de la soirée spiritisme, la culture et l'entrain que montre l'auteur enthousiasme, et il est difficile de ne pas fermer le livre sans avoir une nouvelle pile de choses à lire sur ses conseils.
S'il n'est pas toujours question de chats, les vrais fantômes, ceux de la littérature, défilent : Arthur Rimbaud, William Shakespeare sous la plume de Victor Hugo, ou bien ce dernier durant une soirée passée dans sa chambre. De toutes les influences reconnues, le livre rappelle dans sa forme le Infernaliana de Charles Nodier, qui lui aussi a le droit à sa citation. Au milieu de cette lettre d'amour à la lecture, le témoignage touchant d'un homme confronté à la vieillesse semble se dessiner. Écrit pendant son départ à la retraite, Daniel Sangsue observe avec amertume son bureau se vider, ses collègues partir, de la faculté, ou pour toujours. Entouré par les fantômes littéraires, métaphoriques, la confrontation de l'auteur à celui du temps qui passe donne certaines notes plus introspectives et touchantes.
Les fantômes comme les chats choisissent leurs maîtres fait partie de ces livres qui donnent envie de lire. La passion de Daniel Sangsue, bibliophile curieux et renseigné, traverse les pages et laisse rêveur quant au nombre de livres que nous n'aurons jamais le temps d'ouvrir. Un recueil enivrant, à destination de toutes celles et ceux qui ne sortent jamais sans un livre au fond du sac, qui arpentent les bouquinistes et qui, parfois, au cœur de la nuit, se sentent eux aussi hantés par le spectre de la lecture.