A travers 21 poèmes, N. Lelubre, musicien, évoque des temps à venir dont l'échéance est vague et lente, le tout parsemé de références à la musique. ©Electre 2024

La poésie selon Norbert Lelubre

Tout ce qui respire est musique

Pianiste, violoniste, accordéoniste, bandonéoniste, c'est sous le signe de la musique qu'il faut d'emblée placer le poète Norbert Lelubre, chez qui le souffle lyrique s'appuie au travail constant des rythmes et sonorités. Quoi d'étonnant alors si sa poésie témoigne d'autant d'attention aux bruits, aux sons, à la musique ?

Né le 13 juillet 1912 à Nantes, Norbert Lelubre entre en poésie dès quatorze ans. Inspiration d'abord romantique, nourrie de ses lectures ; puis surréaliste, actualité oblige ; avant qu'il ne trouve voie et voix propres dans la mouvance d'un symboliste revisité.

À Paris, il va rencontrer Éluard, Breton ; mais surtout Desnos dont la liberté d'esprit lui convint davantage que la rigidité et le sectarisme du pape du surréalisme. Car Norbert Lelubre est avant tout un esprit indépendant, qui très vite va également s'éloigner du Parti, un intermède de six mois, en 1938. Puis la guerre ; blessure le 14 mai 1940 : un éclat d'obus ; le stalag. A son retour, après plusieurs autres métiers, il deviendra professeur de piano et d'accordéon...

La musique donc, qu'on retrouve en bien des titres d'Histoires sans limites (recueil de ses textes de 1930 à 1998), comme dans la structure même de plusieurs textes : Chansons pour des mélancolies, Cantate pour une mort. Deux Chansons, et bien sûr les Ballades, référence ici non à la forme poétique mais musicale.

Avec toujours le souci du détail significatif, au plus près des êtres et des choses les plus simples ; une simplicité, cruauté nue, où se lit sans pathos la faille de notre rapport an monde, écartelé entre émerveillement et horreur : le lieu même, la place exacte du poème, et de la poésie. Seul salut promis sans doute : du côté de la poésie les limites enfin s'effacent, où le poète pourra s'affirmer libre libre libre ; et dans cette réappropriation poétique de sa condition, il va tout naturellement faire s'associer musique et lumière : parce que c'est finalement à la lumière que mène la musique - avenir et passé reaccordés - avec ce souhait, cette prière peut-être : Éveille-nous sous un soleil sans âge / et dépouillé de sa mélancolie.