La montée des eaux menace les rives et les habitants de la presqu'île de Kernel. Pour se prémunir d'inondations catastrophiques, le maire et ses collègues construisent une digue. Mais une faille apparaît bientôt dans le rempart sans que personne ne parvienne à la colmater. La perspective du danger aiguise les rivalités et libère les passions au sein de cette communauté isolée du monde. ©Electre 2025

L'ombre d'une faille

Mon nom est Kernel. C'est ainsi qu'ils m'ont baptisée. J'aurais préféré Sofia, Florence ou Sydney. Mais de mon avis, ils s'en moquent éperdument. Pour eux, je ne suis qu'un morceau de roche qu'ils ont accaparé, une presqu'île insignifiante rattachée au continent par un étroit cordon de terre. Et ce matin, comme chaque matin, je regarde ma population s'éveiller, insouciante, sans se douter que l'aube dont elle perçoit les premières lueurs marquera le début de la plus terrifiante des crises. Car la mer monte, partout sur la planète. Mes rives sont menacées. Mes résidents s'alarment. Pour se prémunir d'inondations catastrophiques, la maire et ses collègues imaginent une solution radicale : enclaver l'ensemble de mon territoire derrière une digue.

Mais une faille apparaît bientôt dans le rempart, sans que personne ne parvienne à la colmater. Une fissure qui se creuse inexorablement, exacerbe les fractures au sein de ma communauté et libère les passions, les plus pures comme les plus obscures.

Avec une verve mordante et une perspective unique, L'ombre d'une faille donne la parole à une presqu'île qui, lassée de n'être qu'un décor, s'arroge le droit de raconter son histoire et celle de ses occupants. Sept personnages guident le récit de cette fable où la nature porte un regard tour à tour tendre, ironique et cruel sur nos vanités humaines.

« Je ne pourrais vous dire comment elle est apparue. Un tremblement de terre ? Un choc contre la digue ? Un acte de sabotage ? Personne ne parvient à l'expliquer. La faille est là, tout simplement. Pelle. Harmonieuse. L ne craquelure droite, comme un coup de couteau au milieu de la digue. À peine ouverte, pour l'heure inoffensive, mais déjà pleine de promesses, l'ai envie de la caresser du doigt, de suivre son tracé, de me faufiler au plus profond d'elle. Je ne suis pas la seule à me laisser absorber par sa présence. »