L'armée des frontières

Issa Walther, de mère algérienne et de père officier nazi, est recruté en 1958 par un réseau allemand de soutien au FLN pour organiser et structurer la désertion des légionnaires. Agent sous couverture, il partage son temps entre l'enseignement du Coran et des opérations d'exfiltration à la frontière marocaine. Evocation d'un épisode méconnu de la guerre d'Algérie. ©Electre 2025

Ïssa Walther, de mère algérienne et de père officier nazi, est recruté en 1958 par un réseau allemand de soutien au FLN, pour organiser et structurer la désertion des légionnaires. Agent sous couverture, il partage son temps entre l'enseignement du Coran aux enfants de Béchar et des opérations d'exfiltration à la frontière marocaine. Soldat rigoureux et entraîné, il est aussi un être spirituel et sensible.

L'histoire de L'Armée des frontières évoque un épisode méconnu de la guerre d'Algérie dans un récit d'action où la vision poétique domine.

« Un sergent de l'ALN est devant, je ferme la marche, si l'on peut dire, car nous sommes couchés. Heureusement ce sont des types aguerris qui rampent comme des limaces.

« Go ! ». À peine deux types se sont-ils engagés que retentissent hurlements et sirènes. Des projecteurs s'allument. Un sniper, de chez nous, les éteint de trois coups de fusil bien ajustés ! Les mitrailleuses se mettent en action, puis les obusiers, ça tire dans tous les coins, personne n'est touché heureusement. Nous passons le premier barrage, puis le deuxième, ça canarde. Un bruit d'hélico au loin, il n'approche pas, de peur de se faire descendre. Nous rampons, sortons du no man's land. De l'autre côté, la nature est identique, des rochers arides ; il fait humide. Des gars de l'armée des frontières sont là.
- On ne discute pas, on se disperse, il ne faut pas rester ici !
- Éparpillez-vous !
Nous suivons un chef de section qui nous fait marcher quelques kilomètres au pas de course puis nous nous retrouvons dans une grotte où brûle un feu de bois. On nous offre du thé. Ça fait un bien fou, le coeur reprend son rythme, se calme, on respire mieux. Ça y est, on est passé ! »
« - Trouves-tu légitime que ton papa frappe une femme ou ta maman ?
- Cela dépend ? Si elle a mal agi, si elle ne lui obéit pas.
- Dieu ne prêche pas la violence et les conflits qui se règlent par des coups témoignent d'une grande faiblesse. C'est un problème difficile. Mais il me semble que celui qui dispose d'une autorité, quelle qu'elle soit, ne doit pas s'abaisser à la violence. Il doit expliquer, indiquer. Frapper n'est jamais une bonne chose. La violence physique est une dernière extrémité.
- Cela veut-il dire Maître que nous sommes aux dernières extrémités avec les Français ?
- Si tu veux une chose très fortement, que tu te sens dans ton bon droit, ayant beau demander, l'autre te la refuse obstinément, que faire ? Il me semble que la violence est une arme inspirée par Shaytan. Un défaut de compréhension. Mais nous l'avons dit, l'autre jour, les choses sont doubles, le moustique a de bons côtés et des côtés mauvais.
- Cela n'empêche pas que parfois il faut l'écraser, dit un enfant.
Tout le monde rit.
Je m'en sors car les enfants apprécient les réponses habiles. »