Un coup de coeur de Mollat
La théorie des nuages est le premier roman de Stephane Audeguy qui nous dresse un tableau poétique de la météorologie. Attention ! Poétique sans mièvrerie. Il est vrai que sur un thème aussi aérien que les nuées, il serait aisé de tomber dans la futilité.
La théorie des nuages est avant tout la curieuse histoire des nuages et de ceux qui les ont contemplés ; et c'est Akira Kumo, grand couturier à Paris, collectionneur et spécialiste des livres sur la météorologie, qui va nous raconter tout ça. Il vient d'employer Virginie Latour, bibliothécaire de son état pour classer les livres de sa bibliothèque privée, et surtout pour lui narrer les grands et farfelus chasseurs de nuées : le scientifique Luke Howard, le peintre Carmichael et l'explorateur Richard Abercombie.
Pourquoi s'est-il pris d'une passion obsédante, exclusive pour ce domaine ? Les nuages sous toutes leurs formes l'intéressent : les nuages gris au-dessus de Paris, le nuage noir du Krakatoa, les nuages blancs au-dessus d'un champ, le nuage champignon d'Hiroshima.
D'ailleurs, Akira kumo a vécu à Hiroshima et il ne parle jamais de lui, de son passé. Un mystère plane sur sa vie qui a l'air dénué de sens et trouble, une vie remplie de plis et replis comme les tissus de ses créations, comme les circonvolutions de son cerveau, comme l'objet de sa passion dévorante.
Ce roman à la frontière des sciences, de l'histoire et de la littérature nous offre plusieurs niveaux de lecture, nous propose plusieurs histoires qui s'entremêlent, se suivent, se poursuivent pour mieux s'assembler. Stephane Audeguy réussit un coup de maître en alliant une érudition ludique, un sens certain de l'imagination et une narration très bien maitrisée autour d'un thème demandant méthode et discipline.
Le pari est tenu et derrière la rigueur du style, nos esprits s'envolent vers les sphères nuageuses. Alors dans la rue, ne regardez plus vos pieds et levez un peu les yeux, c'est quand même plus poétique...