Collection(s) :
Non précisé.
Contributeur(s) :
Traducteur : Myriam Dartois-Ako
Un coup de coeur de Mollat
Voici le premier coup de cœur polar de l'année, livre lu à deux, ce qui donne donc un papier écrit en chœur par nos libraires Corinne et Karine.
C'est un solitaire, élégant, souple comme un félin, qui marche dans Tokyo, observant les passants aux costumes griffés, Prada, Gucci, aux chaussures Berluti...
Non, il ne s'agit pas d'un styliste, d'un fashion addict guettant ses contemporains, bien qu'à sa façon notre homme soit un artiste et pas n'importe lequel ! Un pickpocket nippon, véritable styliste du vol, nourri de la rapidité et de la précision des arts martiaux, qui nous donne une leçon sur l'art de dérober digne d'une chorégraphie : ballet des doigts, du poignet, du corps qui se penche, se rapproche de sa cible... Un art de l'imperceptible, tout en légèreté, un art de l'éphémère, comme une façon de « danser sa vie » dans la foule, les magasins, et bien sûr le métro de Tokyo, lieu idéal pour dérober portefeuilles, téléphones portables etc ! Il repère de loin ses proies de prédilection : les hommes riches, bien habillés, au portefeuille gonflé... Il agit seul – cela n'a pas toujours été le cas – vit seul, sans attaches, accompagné de quelques souvenirs insistants qui l'obsèdent : les paroles d'une femme aimée, Sakeo, un ami disparu, Ishikawa, la curieuse vision d'une tour... Jusqu'au jour où ses pas vont croiser ceux d'un enfant, un petit garçon au corps fluet, au visage sale, et aux chaussures éculées qui tente de dérober des produits de première nécessité dans un supermarché. Se reconnaît-il en l'enfant ? Comprend-il ce pickpocket en devenir ? Toujours est-il que l'histoire bascule là, quand notre artiste de haut vol décide d'endosser le rôle de protecteur en s'apercevant que le petit est repéré par la surveillance du magasin... (On n'en dira pas plus ici, suspense oblige).
Cet étonnant et curieux livre en creux, au style sobre et élégant, teinté de mélancolie, aux personnages aux contours un peu flous, dont le passé reste dans l'ombre – ce qui laisse au lecteur le loisir d'imaginer - se lit à la fois comme un thriller métaphysique (on y rencontre un yakusa qui se prend pour Dieu!), un polar d'ambiance, un suspense, et un roman social... Une belle découverte que l'on doit aux Editions Picquier qui traduisent en français pour la première fois Fuminori Nakamura (né en 1977), déjà reconnu en son pays puisque couronné du prix Shinchôsha des jeunes auteurs et du prix Akutagawa, ce n'est pas rien !