Un coup de coeur de Mollat
Son goût des archives et sa passion pour le XVIIIème siècle l'amènent régulièrement à s'attarder sur les "gens de peu" et à extirper du sens aux paroles et aux signes de leurs vies tragiques ou misérables.
Son dernier travail ose une écriture de l'histoire au risque de la littérature. Avec une infinie précaution, elle nous entraîne à la découverte d'un objet : le bracelet de parchemin.
Minuscule morceau de papier attaché au poignet par un fil rouge, il était inventorié dans les procès verbaux, lors d'un décès, comme identification du corps.
C'est avec une remarquable attention qu'Arlette Farge déplie ce bracelet sous nos yeux.
De routes d'errance en chemins incertains, des gens aux statuts précaires, que l'on pensait illétrés, portaient donc sur eux ces traces écrites, leur permettant de n'être point absents d'eux mêmes.
Ces papiers s' inscrivant dans le temps et l'espace de l'individu , deviennent des "laissés passés" de soi : une date de naissance, une adresse, un symbole, un nom ou un certificat de présence .
L'historienne s'attarde sur ces surprenantes aquisitions de l'écriture en tant que désir d'accéder à la maitrise de soi pour une population en dehors de la société.
Ce qu'elle déplore, au fil de ce texte, c'est le manque d'intérêt que les chercheurs ont porté à cette pratique ordinaire de l'écrit. Alors qu'on catégorisait les pauvres par la couleur et l'usure de leurs étoffes, elle regrette la cécité des historiens face à la possibilité d'imaginer ques des individus illétrés puissent "se dire" par l'écrit. Ce qu'elle nomme durement un déni de la réalité car errants, marchands ou soldats étaient aussi porteurs de futur et d'espoir.