Un coup de coeur de Mollat
2073. Eric part pour un reportage sur Blessed island, une ile dont les habitants seraient immortels grâce à la récolte d'une plante qui y pousse en abondance. Le journaliste est vite empreint d'un sentiment d'étrangeté, comme si cette île était hors du monde et comme si sa cartographie lui échappait alors qu'on y circule en vélo ou à pied en raison de ses modestes proportions. Ses relations avec les autochtones sont elles aussi bien étranges faites d'hospitalité, de sourires échangés, de tisanes offertes en abondance mais aussi d'une certaine distance. Pourtant, sa rencontre avec Merle, la plus jeune femme de l'île, va faire naître un lui un sentiment troublant, comme si Merle et lui s'étaient déjà rencontrés...
Au cours des sept parties qui composent ce roman comme un voyage à remonter le temps, du XXIème siècle jusqu'au temps des Vikings, leurs âmes vont les rapprocher et les soumettre à la loi d'une promesse qui les lient à jamais. Marcus Segwick convoque à la fois les mythes anciens d'Europe du Nord, les rites barbares et le peintre suédois Carl Larsson, auteur d'un monumental tableau (Midvinterblot, Sacrifice à la lune) et compose avec maestria un roman diablement intrigant, au charme insidieux et à l'écriture poétique et puissante. L'imagination est à l'honneur dans ce roman hypnotique où certaines phrases reviennent comme des mantras et où les histoires qui se succèdent s'éclairent les unes les autres. Quand vous saurez que "blessed" en suédois veut dire "béni" mais vient du mot sang (celui du sacrifice), vous saurez aussi que ce roman porte bien son titre et que sur cette île, lieu unique du roman la tragédie est à l'œuvre.
Avec ce roman absolument magnifique, Magnus Sedgwick confirme son extraordinaire talent de conteur qui nous avait déjà tant séduits dans Revolver et prouve une fois encore que l'on peut donner à lire une littérature exigeante, divertissante et intelligente ! Merci aux éditions Thierry Magnier d'avoir fait ce pari !