Un coup de coeur de Mollat
Telle est la scène de crime qui ouvre le livre (oh, oh, s'est dit votre libraire, ce début augure d'un thriller terrifiant, peut-être avec un serial killer ?). Le défi que le meurtrier lance à la police de New York est de taille car : comment identifier la victime ? Son visage et ses mains sont détruits, les dents ont été arrachées post mortem, et la chambre a été aspergée d'un spray antiseptique détruisant tout matériau d'ADN. La chambre était louée depuis plus d'un an, le règlement s'est effectué en espèces. Ben Bradley, lieutenant de la Criminelle, n'a aucun indice à se mettre sous la dent. Il lui faut convaincre Pilgrim de l'aider. Mais qui est ce mystérieux Pilgrim, dont le nom donne son titre au livre, imprimé sur une couverture qui dessine l'empreinte d'un doigt ?
Son histoire nous est racontée en flash back successifs qui viennent s'incorporer à l'enquête présente. Pilgrim est un des nombreux noms de code d'un ancien espion, agent d'une des organisations les plus secrètes du pays. Recruté à Harvard, il a fait partie d'une troupe d'élite et a voyagé dans le monde entier pour accomplir les missions que le gouvernement américain lui a confiées. (Oh, oh, s'est demandé votre libraire parvenu à ce point de sa lecture, se surprenant à penser à John Le Carré, le thriller initialement promis serait-il en train de virer au polar d'espionnage ?). Après les attentats du 11 septembre contre le World Trade Center, notre homme décide de démissionner. Le monde a changé, et il ne connaît rien à la lutte contre le terrorisme. Il se reconvertit en écrivant sous pseudonyme - les fausses identités, évidemment, il connaît - un livre sur les techniques d'investigation qui va faire date en matière de médecine légale.
Le suspense redouble quand on soupçonne que le meurtrier a lu le livre en question pour effacer ses traces sur le lieu du crime ! Dans le même temps se profile l'apparition inquiétante d'un nouveau personnage, surnommé « Le Sarrasin », sur fond de complot, mais chut, n'en disons point trop...
Au bout du compte, l'auteur, malin et inspiré, compose un époustouflant roman choral qui se joue des genres, et jongle avec brio entre plusieurs histoires, à différentes époques, en de multiples lieux. Les rebondissements sont légion si bien que ce gros pavé de 647 pages se dévore comme glace qui fond au soleil, n'est-ce pas là le signe d'une lecture idéale pour votre été ?