Ces contributions s'interrogent sur le rapport de la philosophie avec la politique chez Sartre et cherchent à connaître les raisons qui ont transformé ce penseur de la liberté en penseur radical, abordant la dimension de sa dialectique et son ontologie du social. ©Electre 2024

«Nous ne voulons pas avoir honte d'écrire et nous n'avons pas envie de parler pour ne rien dire (...). Puisque l'écrivain n'a aucun moyen de s'évader, nous voulons qu'il embrasse étroitement son époque; elle est sa chance unique; elle s'est faite par lui et il est fait pour elle (...). Nous ne voulons rien manquer de notre temps (...). Nous n'avons que cette vie à vivre, au milieu de cette guerre, de cette révolution peut-être.»

En publiant ce texte-manifeste comportant le credo du futur écrivain-philosophe engagé, s'impliquant dans les combats politiques de son époque, à titre de préface au tout premier numéro des Temps Modernes d'octobre 1945, Jean-Paul Sartre, en s'élançant ainsi sur la voie de «l'intellectuel total», anticipait ainsi volontairement sur un destin exceptionnel qui devrait faire de lui, déjà au courant des années 50, le nouveau Voltaire du XX^e siècle. En assumant ainsi le rôle de l'homme des ruptures et de l'homme qui dit non, il unissait assez longtemps sur son propre nom le paradoxe d'être à la fois l'intellectuel le plus apprécié et le plus haï de son époque dont les prises de position courageuses dérangeaient toujours... Oui, Sartre dérange, apparemment, encore aujourd'hui, comme l'attestent, entre autres, certaines manifestations de sartrophobie qu'on a pu enregistrer à l'occasion de la célébration du centième anniversaire de la naissance du philosophe...

Quel est le rapport réel de la philosophie à la politique sartrienne? Quelles étaient les raisons qui ont transformé progressivement ce penseur de la liberté grandi à l'école phénoménologique en un penseur radical, réussissant, avec la publication de la Critique de la raison dialectique, d'articuler l'existentialisme ontologique avec le matérialisme historique et dialectique, en esquissant les cadres théoriques d'un existentialo-marxisme défiant toutes les orthodoxies? Quelle est la vraie dimension de sa dialectique? Quelle est l'actualité de son ontologie du social et de son geste radical?

Tels ont été les questionnements auxquels ce colloque international, organisé à Amiens le 18 et 19 mai 2005, a cherché de trouver les réponses.