Alexandre Mitscherlich, élève de K. Jaspers, a permis après 1945 de redonner aux études humanistes allemandes leur cohérence et leur efficacité d'autrefois. Loin des doctrines, il se place au service de la recherche raisonnée de la paix au sein de l'individu et des sociétés contemporaines. L'universalité de son savoir et ses échanges avec les intellectuels font de lui une figure de l'espoir. ©Electre 2024

Alexander Mitscherlich (1908-1982) est une de ces grandes figures des sciences humaines en Allemagne qui permit à celle-ci de reconquérir une partie du prestige scientifique qui fut le sien avant la Seconde Guerre mondiale. Issu d'une longue tradition de savants, Mitscherlich se sera très tôt efforcé de convoquer les différents territoires des connaissances de l'homme (psychologie, sociologie, histoire, esthétique, architecture) autour d'une tâche commune : faire en sorte que les menaces dues à une modernité valorisant l'intellect utilitaire et les puissances de la machine n'aient plus la guerre comme corollaire obligé.

Après des études de philosophie et de médecine, Mitscherlich tisse des liens durables avec des penseurs tels que Karl Jaspers ou Jürgen Habermas. Fermement engagé dans la lutte contre la dictature hitlérienne, il entreprend, parallèlement à son action périlleuse aux côtés des opposants au régime, un nouvel ancrage de l'anthropologie moderne dans les valeurs anciennes, et vécues comme salvatrices, de la tradition humaniste. Ainsi sera mise en avant la sauvegarde des liens entre l'homme et les rythmes naturels, entre l'enfant et des structures visibles, repérables, de la circulation du pouvoir au sein de la famille puis de l'institution sociale. Pensée utopique et novatrice de l'instauration d'une paix fragile entre les personnes, la réflexion de Mitscherlich part des données individuelles de la psyché et se nourrit de l'observation des tensions et des équilibres qui régissent cette dernière.

Il a longtemps été le directeur de l'Institut Sigmund-Freud de Francfort, ainsi que celui de la première Clinique de Psychosomatique qu'il fonda à Heidelberg. Passionné par la littérature et l'architecture, il n'a jamais désespéré de la capacité de l'être humain à faire pièce aux déterminismes qui l'enserrent.