Un coup de coeur de Mollat
Remarquée en 2013 avec Des nœuds d'acier, Sandrine Collette avait reçu le Grand Prix de littérature policière, récompensant ce premier roman impressionnant qui signait également la renaissance de la collection « Sueurs froides » chez Denoël.
Après Un vent de cendres (paru au Livre de poche), son troisième opus qui vient de paraître s'intitule Six fourmis blanches et confirme, sans personnage récurrent ni enquête policière, mais avec une inventivité surprenante (chacun de ses polars sait jouer dans une autre ambiance et un autre style) la place de Sandrine Collette dans l'univers du thriller français, et qui plus est, féminin.
Deux intrigues se croisent, sans lien apparent jusqu'au coup de théâtre final qui nous laisse ébahi devant tant d'habileté. Le roman s'ouvre (comme les deux précédents) sur une scène choc qui donne le ton : Mathias s'apprête à jeter du haut d'une falaise une chèvre afin d'éloigner le mal comme le croient les habitants de ce coin reculé d'Europe. Dans le nord de l'Albanie, on fait encore appel aux sacrificateurs afin de protéger les hommes, et Mathias, issu de ce pays et d'une lignée ancestrale, est le meilleur d'entre eux jusqu'à un terrible accident qui provoquera le désir de vengeance du vieux Carche, sorte de chef mafieux qui se lance alors à ses trousses.
Au contraire de ces autochtones, Lou, son petit ami Elias et quatre randonneurs (les six fourmis du titre) ont gagné un trekking dans ces montagnes. Ces vacances idéales vont rapidement virer au cauchemar : alors que leur guide Vigan semble cacher quelques secrets, le climat va rapidement se détériorer. Ils vont alors connaître l'enfer et la folie, comme si le mal qui rôde dans ces montagnes s'était aussi abattu sur le groupe, et le lecteur va les suivre de surprise en surprise…
Seules les montagnes vertigineuses relient ces deux histoires. La nature est si omniprésente chez Sandrine Collette (la campagne profonde dans Des nœuds d'acier puis les vignobles champenois dans Un vent de cendres) qu'elle ne joue pas le rôle d'un simple décor mais participe à l'atmosphère oppressante qui, telle une créature cruelle, influe sur le destin de ceux qu'elle piège dans ces huis-clos en plein air… les personnages, sans oublier les lecteurs eux-mêmes.