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Un coup de coeur de Mollat
"Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien".
Ce livre est un miracle.
Limpide, émouvante, cette déclaration d'amour à la femme qui partage sa vie depuis 58 ans n'est pas le livre d'un vieil homme de 83 ans. Il est au contraire la jeunesse même, la preuve que le sentiment amoureux n'est pas aliénable au temps. Pourtant, rien ne prédisposait André Gorz à s'exprimer sur cet amour singulier. Jeune juif autrichien exilé, il rencontre Dorine, une jeune actrice anglaise, à la fin de la guerre à Lausanne. Gorz est déjà un proche de Sartre et de l'existentialisme, il va devenir l'un des penseurs théoriques les plus engagés de son temps ; d'abord journaliste aux maigres revenus, il va bientôt intégrer l'équipe de l'Express, puis co-fonder le Nouvel Observateur. Durant toutes ces années, il élabore une pensée très audacieuse sur la critique du capitalisme, la fin du prolétariat avant de se tourner vers l'écologie politique. Revisiter son parcours intellectuel en soulignant la tendre présence discrète mais toujours active à ses côtés est sa façon de la réhabiliter aux yeux de tous, de témoigner de la place capitale qu'elle a occupé dans sa vie et sa pensée. Très tôt, ils ont conclu un pacte d'engagement exclusif du corps et de l'âme mais Gorz, par fierté ou lâcheté n'a jamais rien laissé transparaitre dans ses écrits précédents. Aujourd'hui, par peur de la perdre ou peur de ne plus avoir le temps, il lui rend un hommage vibrant. Le miracle de ce petit livre, c'est d'entendre un penseur du social et du collectif avouer que " l'amour est la fascination réciproque de deux sujets dans ce qu'ils ont de moins dicible, de moins socialisable"... et que cet amour-là unit deux êtres depuis un demi-siècle.