Un coup de coeur de Mollat
Bien avant Mondovino, réquisitoire bien connu contre la mafia du vin, Kermit Lynch livre, en 1988, le même constat amer : le vin, le vrai, celui que pratiquaient nos ancêtres, loin des modes et de la spéculation, n'est plus. Les vignerons intègres d'autrefois sont remplacés par des comptables tenus par des chiffres. Ce que nous appellions vin, jadis, est devenu un produit de consommation comme un autre, avec des normes, des objectifs, un cahier des charges. Le vocabulaire, en même temps que l'enjeu, a changé. Responsables : les nouveaux critères de dégustation et de fabrication, imposés par une clientèle ingnorante et des propriétaires peu scrupuleux, piétinant des siècles de passion et de tradition.
Tandis que Jonathan Nossiter dénonce la corruption d'un système, Kermit Lynch, lui, fraternise avec les rescapés d'un métier moribond. Infatigable voyageur, curieux de nature, ce commerçant atypique va sillonner les vignobles de France à la recherche de vins authentiques et d'hommes indépendants. Trouver la perle rare, rencontrer des destins singuliers et importer un peu de la "french touch" qui a fait notre grandeur, tel est le pari fou de Mes aventures sur les routes du vin.
Fustigeant les guides oenologiques, décriant les méthodes américaines, kermit lynch nous apprend à aimer des vins simples mais honnêtes, et nous sensibilise à la notion de voyage et de terroir, rappellant l'importance du contexte culturel dans une dégustation. Avec lui, pas de note, pas de cote, pas de vin "gagnant" ou "perdant" ; juste de l'amour, de la curiosité, de la poésie. Tous les vins ont leur chance, leur vie propre, leur vertu. Tous les vins sont bons ; de la Loire au Languedoc, des Corbières à l'Alsace, peu importe : il faut savoir écouter leur histoire.
Doté d'une belle érudition et d'un sens inné de la pédagogie, c'est une page entière de notre patrimoine que Kermit tente d'arracher au dictat de la mondialisation. "Lisez ce livre et vous vous aimerez davantage!" dit aux français un certain Jim Harrison, auteur privilégié de la préface. Quand on sait l'ogre qu'il est, on peut lui faire confiance!