Un coup de coeur de Mollat
C'est par ces mots où se lisent la fièvre, le désarroi et l'urgence que s'ouvre ce court roman épistolaire écrit en une nuit d'insomnie par une femme hantée par la vision qu'elle se refuse à comprendre -à moins qu'elle ne la comprenne trop bien- : en sortant de l'Opéra, son amant a pris place sous ses yeux dans une calèche au bras d'une femme d'une grande beauté. Aux premières heures de la nuit, cette jeune veuve qui, par souci des convenances, s'était efforcée de tenir secrète leur liaison en attendant que leur union soit enfin possible , va subir tous les assauts de la dictature des sentiments passant de l'inquiétude à la colère, du désespoir morbide au doute ou encore à une feinte indifférence. Sa première lettre restant sans réponse, elle n'aura de cesse, pendant vingt-quatre heures, de chercher un semblant de consolation dans l'écriture de lettres qui seront, dans l'attente fiévreuse qui s'est emparée d'elle, un bien maigre remède à son désarroi.
Comment l'imagination d'une femme amoureuse peut lui faire perdre toute raison ? La réponse est dans ces pages aussi vibrantes qu'élégantes qui respectent les règles de l'unité de temps et de lieu de la tragédie grecque. Car tragédie il y a pour une femme amoureuse à se penser trahie par celui qu'elle aime...
Femme de lettres brillante qui attira dans ses salons philosophes et savants des Lumières tout en étant très attentive à ce nouveau courant littéraire porté par de jeunes auteurs comme Stendhal ou Balzac, Constance de Salm se fit volontiers le porte-étendard des femmes contre la domination masculine, en particulier dans le domaine des arts. Bien que publié en 1824, Vingt-Quatre heures d'une femme sensible saura aujourd'hui encore vous faire pénétrer, monsieur, l'intimité d'un cœur de femme, tandis que vous, madame, y trouverez une sœur et complice qui aura su mettre en mots les sentiments qui peut-être, un jour, vous auront assaillie jusqu'à vous faire vaciller. Un véritable bijou !