Ils se nomment Simon Roussin, Matthias Malingrëy et Marion Fayolle. Ils sont, sans aucun doute, les auteurs les plus talentueux et fougueux de cette nouvelle génération qui oscille entre illustration et bande dessinée. Nyctalope c'est leur revue - un collectif en micro-édition et un merveilleux laboratoire d'essai - mais c'est aussi une esquisse (et quelle esquisse!) de leur futurs travaux chez des éditeurs tout aussi talentueux et fougueux : soit les 2 toutes jeunes maisons d'éditions Magnani en jeunesse et 2024 en bande dessinée, ou encore Monsieur Michel Lagarde.

Nyctalope est né il y a 3 ans de cette rencontre à l'école des Arts Décoratifs de Strasbourg. Un projet de classe diffusé au départ à 150 exemplaires, puis, gloire du bouche à oreille oblige, bascule aujourd'hui à 600 avec cette fois-ci la complicité de l'éditeur Magnani et son diffuseur Les Belles Lettres. À l'inverse du fanzine photocopié, la revue offre une jolie vision du beau livre avec couverture sérigraphiée et soyeux papier munken épais. Outre l'objet, les procédés narratifs sont des plus originaux avec une vingtaine d'auteurs-illustrateurs, fervents ouvriers de l'expérience plastique et narrative. Car la revue annuelle n'est pas un simple inventaire de beaux dessins. Selon ses fondateurs, c'est « un morceau d'exposition à emporter chez soi, à ranger dans sa bibliothèque », avec une véritable logique de narration mettant en scène un seul et même laboratoire d'expérience.

Pour justifier ce marabout-de-ficelle, il faudra donc jouer à ricocher d'une histoire de tigre avec Annabelle Buxton, aux plongeurs à la rectiligne érotique de Noémie Shipfer (Le garçon chez Memo) mais aussi avec le canard bleu psychopathe d'Anouk Ricard (Anna et Froga). À vous de trouver le lien qui se tisse entre chaque artiste, aussi implicite soit-il, et cela devient un jeu.
Et puis, on a beaucoup embêté nos clients avec ce fameux Simon Roussin. On a même forcé, avec un regard menaçant, la lecture de Lemon Jefferson chez 2024 aux lecteurs les plus téméraires. Parce que cet Indiana Jones au barbouillage de feutres d'enfant est une étonnante révélation. Les codes classiques de la narration sont là : on s'imprègne de ces histoires de genre comme à la lecture d'un vieux Freddy Lombard, d'un Gil Jourdan et surtout d'un Tintin en grande pompe. Chez ce jeune auteur très prometteur, l'humour et l'aventure se répandent peu à peu comme du Yves Chaland saupoudré d'une belle ampleur cinématographique.
Simon Roussin signe par de grands aplats colorés la couverture de ce 5eme Nyctalope, Marion Fayolle a publié avec virtuosité L'homme en pièce chez Michel Lagarde, et on espère retrouver très vite leurs compagnons de route dans les prochains numéros.