Un coup de coeur de Mollat
Juste écouter. Jean-Marie Gourio depuis plus de vingt ans ne se contente pas de boire des canons dans tous les bars qu'il croise sur sa route, il écoute siffler les boulets projetés sans précaution par ses voisins de comptoir, de petites explosions, des épiphanies absurdes, grossières, poétques ou/et inventives qu'il recueille puis consigne avant de les compiler. Et depuis vingt ans, c'est bien simple, comme dirait l'autre « on s'marre ... », sans retenue, sans vergogne, avec une franchise qu'on ne pourrait se permettre au beau milieu d'un troquet au risque de recevoir un bouquet d'horions bien senti.
Hommage au « bling-bling » en vogue qui trouve dans ses pages une nouvelle force et une nouvelle résonnance (1), ce recueil s'ouvre par un charmant petit texte de Gourio fait de micro-phrases où il conjugue la fraternité, où il invite à la pause au milieu d'un monde dont certains voudraient bannir la lenteur, et où il évoque ces univers que nous ne faisons parfois que longer ou lorgner quand d'amicales lunettes suffiraient à nous les rendre proche. Chaque brève qui surgit au détour d'une page (grand bonheur que ce livre qu'on feuillette sans ordre, qu'on ouvre et réouvre, qu'on lit sans s'en rendre compte à l'instar d'un mouvement perpétuel) dissimule des centaines de vies qu'on peut se mettre à imaginer, ces parcours ternes traversés d'éclats de génie ou de folie, ces vies splendides et secrètes connues de trois, quatre personnes.
« Je bois. Tu bois. Il boit. Nous parlons. Vous parlez. Je rêve » nous dit Jean-Marie Gourio et il nous fait rêver, rire et rêver, ce qui est suffisamment miraculeux pour qu'on s'offre chaque année à Noël une lampée de Brèves. Et un miracle qui se renouvelle tous les ans, n'est-ce pas le plus grand des miracles ?
Alors, pour finir, et dans les affres d'un choix tellement difficile qu'on se surprendrait à recopier tout le livre (piratage terriblement débile mais favorisant l'exercice du poignet...), quelques perles prises au hasard :
« C'est bien les progrès de la science, le mousseux ne fait plus mal à la tête » (bar Le Vélodrome)
« Avec le kit main libre, même un mec qui a pas de bras il a le portable » (Le Calicot)
« Un bar à la maison ça fait rentrer chez soi » (L'Utopia)
« Interdire de laver les voitures, c'est pas ça qui va faire pleuvoir ! » (Les Hussards)
(hommage à Echenoz:) « Si t'habites à marathon, tous les premiers commerces sont à 42 km. » (La Barcasse)
« Je n'aime pas quand un oiseau marche » (L'Harmonica)
...et pour finir.. »Quand je suis à pied, je pollue encore plus que quand je suis en voiture! » (La Grenouille verte)
(1) « Pour nous, le Bling Bling, c'est pas Sarkozy, c'est les bouteilles qui font Bling Bling dans le cabas! »