Un coup de coeur de Mollat
Imaginons un fort militaire perdu au bout du monde, à la fin de la guerre de Sécession, un avant-poste abandonné au cœur d'un paysage hostile, une garnison désœuvrée au bord de la famine, qui n'a pas été ravitaillée depuis des lustres, enfin, un commandant tourmenté et vieillissant qui écrit des lettres à sa femme qu'elle ne recevra jamais.
Dans ce monde désolé où la solitude et le désespoir dominent, l'arrivée de deux femmes va bouleverser tragiquement un équilibre déjà précaire ; autrefois enlevées et faites prisonnières pendant quatre longues années par ceux qu'on nomme les "sauvages", elles ont été libérées et ramenées au fort par un escadron conduit par des civils. La première, Constance, aigrie et volubile, va décrire la brutalité, la peur et les sévices qu'elle a endurés. L'autre, Abigail s'est au contraire réfugiée dans le silence. Elle est enceinte et ne s'éloigne pas de son cheval, un ombrageux pur-sang aux reflets bleus qui paraît la protéger. Cette présence muette et obstinée va bientôt déclencher une série de réactions hostiles au sein de la garnison. Seuls, le vieux major et le maréchal-ferrant noir - isolé car lui aussi est différent- vont tenter de l'apprivoiser, et découvrir que la captivité peut être rédemptrice et qu'une "civilisation" qui ne dépasse pas ses préjugés peut s'avérer fatale à l'être humain.
Ce récit magnifique au lyrisme sombre, d'une force évocatrice indéniable est le premier roman de Melanie Wallace traduit - superbement par Brice Matthieussent - en français ; le second est dit-on en cours ; inutile d'ajouter que nous l'attendons avec impatience !