Un coup de coeur de Mollat
Contrairement à ce que pourrait le laisser entendre le titre (traduction ampoulée de On bullshit), l'ouvrage n'est pas un vade-mecum nous aidant à sortir à volonté, dans les règles de l'art, des "conneries". L'auteur ne nous fait que trop confiance. Non, il s'agit en réalité d'une brève leçon de philosophie amusante (au final ô combien sérieuse) qui vise à clarifier ce que nous entendons par "conneries" lorsque nous qualifions les propos de quelqu'un. Ce travail sur le langage ordinaire conduit l'auteur à envisager les différentes nuances du terme (qu'il rapproche de baratin), des spécificités qui le lie ou le distingue des termes de fumisterie, de bluff, de mensonge, de la nature de l'intention de celui qui en profére. Pour H.G. Frankfurt, le baratineur, contrairement au menteur, ne soucie pas de la vérité, mais cherche à rendre son discours crédible. "Cette absence de tout souci de vérité, cette indifférence à l'égard de la réalité des choses constitue l'essence même du baratin". Si l'auteur ne voit sans doute rien à redire à ce qu'il appelle les "parties de déconnades" entre amis, il s'inquiète toutefois de la "prolifération contemporaine du baratin" et de la tendance que nous avons "à considérer cette situation comme naturelle". Son expliquation principal de ce phénomène porte principalement sur le déclin d'un "idéal d'exactitude" au profit d'un "idéal de sincérité" alimenté par "les diverses formes de scepticismes qui nient toute possibilité d'accéder à une réalité objective et par conséquent de connaître la nature véritable des choses."
Lecture faite, amusez-vous à étudier les propos de vos politiciens, journalistes, intellectuels favoris. Et n'hésitez pas un rappel à l'ordre : " A cause de l'indulgence excessive dont il bénéficie, le baratineur finit par ne plus prêter attention à ses propres assertions, de sorte que son sens des réalités à tendance à s'atténuer, voir à s'évanouir."
Bonne lecture.