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Un coup de coeur de Mollat
Ca s'appele de la Hard-Science...
Le duo Cassini-Huygens a été lancé de la Terre en octobre 1997. La même année était publié " Titan " de Stephen Baxter, que l'on a pu lire en français dès janvier 2001 alors que la sonde venait juste de dépasser Jupiter (en décembre 2000). Il aura fallu autant de temps au livre pour franchir l'Atlantique qu'à la sonde pour parcourir les 630 millions de kilomètres qui séparent notre planète de jupiter.
L'ouvrage de S. baxter débute avec les conclusions extraordinaires des analyses des mesures physico-chimiques effectuées par Huygens : il y a une forme de vie sur Titan.
Dans ce futur alternatif, les grandes puissances mondiales se détournent de l'espace, l'humanité s'apprête à sombrer dans une phase de déclin profond, notamment emmenée par un président américain, texan et ultra-conservateur. Si Baxter ne s'est pas trompé sur le dirigeant des USA, le reste de sa prospective sur les affaires du monde en 2004 n'est pas convaincante. Vu de notre 2005, après relecture, elle apparaît comme une pirouette narrative pour faire de " Titan " un huit-clos mémorable, une épopée dans une boîte de conserve. Car sur la foi de la moisson scientifique de Huygens, cinq astronautes parviennent à mobiliser une NASA moribonde pour un baroud d'honneur, un bouquet final : les envoyer sur Titan.
Dans la revue Bifrost n°22 d'avril 2001, Jean-Pierre Lion déclare à propos du roman : " Quoi de plus lent, monotone et routinier, qu'une trajectoire orbitale de six années dans un engin pas plus grand qu'un Airbus ? Et pourtant, Baxter s'en tire haut la main. (...) Titan est (...) un ouvrage qui est à l'ingénieur en aéronautique (l'autre métier de Baxter) ce que le legal thriller est à l'avocat. L'imaginaire tient ici peut de place, à l'inverse du souci de restitution du réel. Ce qui n'empêche pas le sense of wonder d'être au rendez-vous. Et puis, à défaut de suspense, il y a le drame, la tension de l'inéluctable et l'apothéose des héros ".
Et quelle apothéose ! Après avoir su faire éprouver au lecteur l'écrasante épreuve d'un si long voyage, Baxter parvient, dès lors que ses héros débarquent sur Titan, à un équilibre impeccable entre sa rigueur scientifique et la description sensible d'un monde profondément autre. Les photos et les sons reçus de Huygens nous ont entrouvert une fenêtre sur Titan, le roman l'ouvre en grand en sollicitant tous nos sens. En cerise sur le gâteau, le dernier chapitre, L'Eté de Titan est une surprenante échappée belle vers un futur incroyablement lointain, dans lequel la sécheresse du style hard science est revitalisée par une certaine poésie, un onirisme qui le place dans le sillage de Bradbury.