Un coup de coeur de Mollat
La parole (il s'agirait d'une lettre) jamais interrompue génère dans ce livre un dispositif narratif qui enchaîne le passé et le présent. Soit un homme au chevet d'une femme qui à la fin de sa vie se résout à la dire et que l'homme choisi par sa qualité d'écrivain retranscrit. Mais il est aussi devenu entre temps le confident de son corps en l'aidant par exemple dans des tâches quotidiennes imposées et intimes. Pour le reste il recueille la vie de cette femme que l'on imagine chanteuse ou actrice. Leur couple étrange s'entoure de jeunes gens en attente de faveurs et concurrents possibles de l'homme. Tout ceci se passe dans la maison d'un village et raconté pour "là-bas" c'est-à-dire plus loin dans le temps et l'espace vers une deuxième femme jamais oubliée mais perdue. L'homme l'interpelle souvent en évoquant les moments où il se sentit trahi par elle qui se disait son âme sœur alors que, devant lui, elle s'amusait avec un autre dans un resto en se laissant toucher la cuisse, en écrivant des mots sur la nappe ou en faisant le coup des spaghettis (que l'on mange à deux). C'était aussi dans un village, dans le sud certainement.
Serena vient du sud, l'emploi de sa langue oscille entre le commun du langage et l'éblouissement poétique, elle tire sa force du sous-entendu. Le lecteur s'applique de son côté à déchiffrer une lettre qui ne lui est pas adressée. En cela le livre repose sur cette curiosité ou indiscrétion dangereusement mise à l'épreuve car rien n'est dit des trouées de l'histoire. Elles appartiennent aux personnages.