Un coup de coeur de Mollat
Si les trois archétypes du polar sont posés-le bourreau, la victime, le justicier - ils ne sont pas toujours là où on croit les trouver. Dennis Lehane nous fait pénétrer dans les méandres de l'âme humaine. Ses personnages ne sont ni noirs ni blancs, ils ne sont pas aimables, ils luttent : contre la culpabilité qui les étreint, la trahison dont ils sont tous victimes, souvent les uns vis a vis des autres, contre le désir de vengeance.
Son roman possède un étrange pouvoir hypnotique qui vient surement de sa puissance émotionnelle. Lehane dissèque avec un sens du détail digne d'un entomologiste les sentiments ambivalents qui traversent ses personnages tout au long de cette tragédie.
Autre réussite, la mise en scène de l'espace urbain. Bien plus qu'un décor, Birmingham est le lieu unique où tout se joue, où l'on nait, où l'on grandit et où l'on meurt ; c'est aussi la ville qu'on ne peut quitter. Son rôle déterminant dans le destin des individus lui confère une place centrale dans le roman et lui donne sa dimension théatrale.
Coup de chapeau enfin à la traductrice qui a su restituer à la fois la sécheresse et le lyrisme de la langue de Lehane, ainsi qu'à Clint Eastwood qui a acheté les droits et compte tourner son film l'an prochain.