Un coup de coeur de Mollat
Cependant - nous sommes bien dans un polar ! - c'est l'assassinat d'une vieille dame qui déclenche des perturbations dans le quotidien des habitants des tours du Frais Vallon. L'hypothèse d'un crime crapuleux commis pour quelques billets ne tient pas : elle a été torturée dans une cave, son appartement mis à sac, comme si les meurtriers recherchaient quelque chose qu'ils n'ont pas trouvé. Les deux voisins qui assistent à l'enterrement de la mémé, en compagnie de son chien resté ici-bas, s'interrogent et décident de mener leur enquête. (Le chien, un beagle qui répond au nom de Hassan, joue un rôle majeur dans cette histoire mais chut, on n'en dira pas plus, suspense oblige).
Tout le charme de ce roman réside dans la fantaisie de ses personnages, poétiques et improbables, auxquels le lecteur s'attache au fur et à mesure qu'il les découvre - on pense un peu à l'univers humain et décalé de Fred Vargas, si si ! : Nestor Patipoulos, ébéniste retraité, qui conserve les cendres de sa défunte femme dans une urne sans couvercle si bien qu'il est impensable d'ouvrir la fenêtre ; sa fille Leda, infirmière au tempérament de feu et à la chevelure en cascade rousse ; Dachi El Ahmed, jeune homme qui aspire à la sagesse, féru de littérature orientale, récitant par coeur des vers d'Omar Khayyâm, ou... des extraits de chansons de Georges Brassens ! ; madame veuve Gadjian, invariablement vêtue de jaune, le soleil d'Arménie ; le journaliste alcoolique Grook toujours flanqué de son comparse Casimir, duo à la Laurel et Hardy ; Hocine, chef de bande local voyou-gardien de la cité ; le Corse Raoul Babinetti, alias Nuage d'Acier, qui vit son idéal d'indien urbain dans un tepee sur le toit en terrasse de la tour B 16 entre les antennes et la cheminée de la chaudière ; dame Chamine, ancien grand reporter, à l'impressionnante présence - ils sont trop nombreux pour tous les citer, mais chacun mérite le détour !
L'intrigue, truculente et riche en surprises, rebondit sur la nationalité de la vieille dame assassinée "Elle s'appelait Oumaraq. La mémé. Liliana Oumaraq (...) ce nom, égyptien, ou iranien, peut-être"... En fait, elle était originaire de Tchétchénie. Débarquent alors dans la cité deux soldats russes, plus la pègre marseillaise, plus un combattant tchétchène, plus un Cosaque, drôle de panier où les crabes ne vont pas manquer de s'emmêler les pinces, pour le plus grand plaisir du lecteur ! Ce polar est un vrai petit bonheur d'humour et de tendresse, qui se savoure.