Un coup de coeur de Mollat
Monsieur Simon nous avait offert, en 2006 un abécédaire mêlant les rires aux mots du rugby. Ce nouvel ouvrage est très différent, étonnant et bouleversant.
L'écriture est puissante et permet d'écouter le « cri de la mêlée »; grâce au récit du pilier gauche, on découvre « l'éclat lumineux du dessous », on mêle le tendre et le rugueux, la puissance et les frôlements.
Pendant 50 pages, « deux bêtes aveugles à huit têtes » s'affrontent.
La mêlée est présentée comme un mouvement guerrier, un assaut avec sa stratégie minutieuse, le siège de la forteresse, les rouages de cette machine qui avance inexorablement, « C'est une course vertigineuse de quelques centimètres ».Les contacts, la force, la défense et la résistance, le piège qui fait craquer l'adversaire, les regards, les sueurs échangées, les coups jusqu'à la cruelle et lente dislocation des vaincus. La victoire qui les condamne à la soumission et à l'humiliation. La fausse et brutale indifférence de la mêlée conquérante qui jubile en piétinant les corps.
La mêlée, c'est aussi une danse sensuelle où l'extase et le plaisir sont réunis, la puissance suspendue, les sensations décuplées, les peurs et les délices comme des moments d'éternité, « pour que l'on se retrouve à nouveau et que l'on s'enroule les uns dans les autres». Je m'apaise sous ces tonnes de chair »... « Enveloppez-moi, enserrez-moi. ».
La mêlée comme un exaltation des sens ; les regards, la lumière, la face aveugle de ces entrelacements, les odeurs, les respirations,»le souffle de la mêlée»; le bruit des corps qui craquent, qui s'emboîtent et adhérent ; l'écoute des équipiers à travers les silences - de « mon » talonneur, « mon » deuxième-ligne», même l'adversaire est propriété : « mon » pilier droit, les corps qui s'attendent, les muscles qui s'adaptent pour mieux encastrer l'autre joueur. La puissance des contacts, l'attente des enlacements, la force de l'articulation des trois avants, la cohérence des huit joueurs, et, enfin, « mon cœur s'est arrêté de battre; celui de la mêlée a commencé à battre. »
Beaucoup d'émotions dans ces pages grâce à une écriture toute nuancée qui nous ouvre le cœur du rugby.