Un coup de coeur de Mollat
Comment est défini l'« insoutenable » ? Il s'agit ici de la soumission à une succession de pressions et de pulsions qui conditionnent notre existence. L'insoutenable est présent partout à commencer par le rythme imposé à notre planète lorsqu'il s'agit de la surexploitation des ressources naturelles. Phénomène qui, au passage, permet de souligner le paradoxe du terme développement "durable" puisque ces mêmes ressources sont pourtant bel et bien limitées dans la durée. Yves Citton aborde aussi le caractère insoutenable que l'on retrouve dans le monde du travail où la rentabilité économique prévaut sur l'humain : « Notre époque, qui est celle de l'engagement maximal des employés, est aussi celle de l'engagement minimal des détenteurs de capital. Et c'est précisément de l'exacerbation des inégalités de position et de pouvoir entre les deux que naît l'insoutenable qui caractérise nos rapports sociaux. »
Yves Citton ne fait pas que dénoncer une situation donnée, il propose également des solutions pour y remédier. A partir de ce constat, il développe la théorie de la politique des pressions, intimement liée à la politique des gestes, par lesquelles nous pourrions mettre en œuvre notre pouvoir d'action, entendu dans le sens d'un pouvoir d'"agir". Une politique des "gestes" qui s'opposerait donc à la politique de "gestion" actuelle.
Cet essai très bien pensé et largement inspiré par d'autres grands noms de la philosophie (tels que Hartmut Rosa, Jacques Rancière, Etienne Balibar, Amartya Sen, Judith Butler...) reste clair et optimiste sur l'avenir, ce qui est très stimulant en cette période d'indignation ! « Ce n'est pas par ce qu'elle détruit mais par les oeuvres qu'elle contribue à créer qu'une insurrection affirme sa valeur. »