M. Vergoin fut un témoin direct de l'état-major boulangiste. L'auteur présente la vie de ce député instable et amer en préambule à l'édition de ses souvenirs autographes, reposant sur la collation des deux manuscrits existants. ©Electre 2024

Rares sont les boulangistes qui ont accepté de s'expliquer sur leur engagement et ses dérives inavouables. On ne possède que les témoignages de comparses, les premiers rôles de l'aventure ayant préféré garder le silence ou s'étant exprimé très tardivement, avec ce que cela suppose d'oubli sélectif et de silence apaisant. Faute de sources, on connaît par conséquent très mal ce que fut l'état-major boulangiste, ce Comité républicain national qui était censé diriger le mouvement et ne put jamais remplir son rôle.

C'est dire tout le prix qu'il faut attacher au témoignage de Maurice Vergoin, député radical de Seine-et-Oise (1885-1889) et seul membre du Comité républicain national à avoir laissé un récit complet de son engagement boulangiste et des débats au sein du Comité depuis sa fondation. L'intérêt de ce texte inédit tient autant à sa date précoce de rédaction (été-automne 1890) qu'à la représentativité de son auteur : franc-maçon et radical intransigeant, homme politique de second plan discrédité par son caractère instable, sa vie privée orageuse et ses échecs professionnels répétés, Vergoin a laissé une déposition amère mais capitale qui reste le meilleur moyen de connaître le Comité républicain national de l'intérieur et depuis la première heure, décrit par l'un des siens, par un homme vaincu qui n'a plus rien à perdre et dont le manque de talent littéraire est pour une fois un avantage. Grâce à lui on peut s'asseoir à la table du Comité républicain national et assister aux débats vains et mensongers d'un étrange théâtre d'ombres, dominé par la silhouette lointaine et apparemment bonhomme d'un général ambitieux qui trompe cyniquement ses meilleurs partisans.

Précédée d'une biographie complète de l'auteur, l'édition des souvenirs de Maurice Vergoin repose sur la collation des deux manuscrits existants, celui de la Préfecture de police et celui de la Sûreté générale.