Un coup de coeur de Mollat
Jésus et Paul sont les deux figures incontournables de la naissance du christianisme, l'un étant bien sûr son inspiration première et l'autre représentant son « diffuseur » par excellence.
Contemporain de Jésus mais sans jamais l'avoir connu, Paul n'est pas le premier à exporter le message chrétien hors de son pays d'origine – et de sa culture d'origine, le judaïsme – mais certainement le plus efficace. Fort de sa double culture grecque et juive, formé à la philosophie et à la rhétorique, diplomate habile, Paul a été capable de propager les enseignements de Jésus vers de nombreuses régions de la Méditerranée et du Proche-Orient, de créer une véritable mixité sociale au sein des premières communautés et d'établir ainsi l'idée d'un universalisme chrétien.
Fonder une religion n'a en revanche jamais été le but de Jésus. « Il annonçait un royaume, mais c'est l'Église qui est venue », nous explique Daniel Marguerat, reprenant les mots d'Alfred Loisy. Sa volonté était tout au plus de réformer le judaïsme en y intégrant une dimension humaniste et tolérante des rites et des cultes en vigueur. Pourtant, sur sa vie et ses paroles seront fondées l'une des plus importantes religions du monde. Jésus fondateur ou inspirateur ?
Mais n'oublions pas les autres : Pierre, Jacques le frère de Jésus, les douze apôtres, Philippe l'évangéliste, Etienne le premier martyr... Reprenant les Actes de Apôtres et le travail d'historien de Luc, le bibliste nous rappelle que la construction du christianisme est une longue chaîne d'acteurs, même si la postérité a peut-être moins célébré leur nom.
La deuxième partie du livre nous donne à entendre l'opinion des premiers païens sur cette nouvelle Eglise dérangeante à de multiples égards. Suétone ou Pline le Jeune dénoncent une superstition tandis que Marc-Aurèle méprise l'attitude du martyr chrétien face à la mort. Celse ira plus loin, en critiquant l'esprit de révolte qui est à la base du christianisme, faisant de Jésus un dangereux personnage. Ces différentes attaques amèneront l'évêque Eusèbe de Césarée à rédiger au IVeme siècle un ouvrage capital, l'Histoire ecclésiastique, dont les arguments apologétiques étonnent encore. Ce sera également l'un des tous premiers comptes rendus historiques de la naissance de l'Église chrétienne, s'étalant sur les quatre premiers siècles de notre ère.