Catalogue d'une exposition dédiée à l'artiste sud-coréenne Kimsooja. Dans ses vidéos et ses performances, elle est toujours filmée de dos, s'effaçant au milieu de la vie qui l'entoure. Les reproductions de ses oeuvres sont accompagnées d'une sélection de textes critiques consacrés à son travail. ©Electre 2024

L'univers de Kimsooja, artiste née à Taegu en Corée en 1957, connue pour ses performances filmées et projections multi-écrans, est caractérisé par une modestie de moyen, un effacement de l'artiste, au profit d'une évidence et d'une simplicité s'incarnant formellement dans des flux et des lignes. Dans toutes ses vidéos, Kimsooja est filmée de dos. Parfois elle disparaît même complètement, laissant aux éléments naturels le soin d'évoquer l'immobile et le mouvant (Earth, Air, Water, Fire). Sur les écrans de ses vidéos, l'artiste est le point de fixation du regard au milieu d'une vie qui s'écoule tout autour. Les gens la dépassent, l'ignorent, la croisent, poursuivent, pendant qu'elle reste et demeure. Elle incarne à la fois un total détachement vis-à-vis du monde concret qui l'entoure et une espèce de force têtue la poussant à s'accrocher, à faire partie de ce monde, quoi qu'il en soit. La « Femme aiguille » des vidéos de A Needle Woman est aussi celle qui rassemble les morceaux épars d'une réalité pour retisser les liens entre eux. Elle, toujours identique, intègre les mondes concrets de Cuba, du Népal, de Rio de Janeiro, du Tchad, du Yemen et de Jérusalem. Elle devient la ligne les reliant, à la recherche du plus petit dénominateur commun : l'Humanité.

La poésie et la méditation demeurent les instruments qui permettent à Kimsooja d'évoquer sans cynisme ni colère le monde telle qu'elle l'éprouve, à la fois totalement étranger et violent d'un côté, profondément humain de l'autre.

The world of Kimsooja, artist born in Taegu in Korea in 1957, known for her filmed performances and multi-screen projections, is characterized by a modesty of means, a disappearance of the artist, for the benefit of an évidence and a simplicity, formally embodied in flows and lines. In all her videos, Kimsooja is filmed back to the camera. Sometimes she disappears even completely, leaving to the natural elements the care of evoking the immovable and the unstable (Earth, Air, Water, Fire.) On the screens of her videos, the artist is the point of fixation of the glance in the middle of a life which passes by. People pass her by, ignore her, cross her, continue, while she stays and remains. She embodies at the same time a total detachment towards the concrete world which surrounds her and a sort of stubborn strength urging her to hang on, to be a part of this world, what ever happens. A Needle Woman from her videos is also the one who collects the scattered pieces of a reality to re-weave the links between them. She, always identical, takes part of the concrete worlds of Cuba, Nepal, Rio de Janeiro, the Chad, Yemen and Jerusalem. She becomes the line connecting them, in search of their smallest common piece : Humanity.

The poetry and the meditation remain the instruments which allow Kimsooja to evoke without cynicism nor anger the world such as she feels it, at the same time totally foreign and violent on one side, and profoundly human on the other one.